Responsabilité élargie des entreprises : rétrospective 2024 dans le monde

Évolutions politiques

Les échéances électorales sont importantes car elles constituent un cadre pour la responsabilité des entreprises et éprouvent la solidité de leurs politiques en la matière. L’année 2024 a été dense sur ce plan dans le monde. Globalement, les tendances autoritaires se sont maintenues, voire renforcées (Russie, Inde, Algérie, États-Unis…). Les partis modérés sont en recul et ont été amenés à composer des coalitions fragiles (Afrique du Sud, Union européenne, France, Allemagne…).

On relève toutefois de bonnes surprises, au Mexique et au Bangladesh. Dans ce dernier pays, le prix Nobel de la paix, Muhammad Yunus, a accepté de prendre la tête d’un gouvernement intérimaire après la fuite de la Première ministre du pays, Sheikh Hasina. En 2025, il faudra suivre de près les élections législatives anticipées en Allemagne en février, les présidentielles en Pologne en juillet et les élections générales au Chili à la fin de l’année. L’évolution du contexte politique aura une influence sur le comportement des acteurs économiques en matière de responsabilité, et vice versa.

Droit international

Plusieurs conférences et sommets internationaux sous l’égide des Nations unies ont eu lieu en 2024. Globalement, ils ont déçu la plupart des observateurs impliqués dans le développement durable. La COP16 sur la biodiversité s’est achevée début novembre à Cali (Colombie) sans qu’une décision soit prise sur le financement de la préservation de la nature. Il en est presque de même pour la COP29 sur le climat (du 11 au 22 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan), qui a entériné le chiffre de 300 milliards de dollars pour financer l’action climatique en faveur des pays en développement. Mais ces derniers avançaient des besoins annuels entre 1 000 et 1 300 milliards de dollars d’ici 2035. Le sommet international pour un traité mondial sur les plastiques (Busan, Corée du Sud) s’est quant à lui achevé le 1er décembre sans consensus entre les participants. La COP16 sur la désertification s’est clôturée dans la nuit du 13 au 14 décembre sans qu’un accord visant à mettre en place un protocole contraignant sur la sécheresse ait pu être conclu.

Certes, des avancées ont été obtenues sur ces questions, mais elles sont très loin des espérances. Les instances internationales ont enregistré quelques progrès sur d’autres sujets importants. Ainsi, le conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail (OIT) a organisé une réunion d’experts sur les politiques salariales, y compris sur le salaire vital (salaire décent, living wage), du 19 au 23 février 2024. Les conclusions ont été transmises au conseil d’administration de l’institution, qui les a approuvées lors de sa session du 13 mars 2024. Le 27 novembre, l’Assemblée générale des Nations unies a décidé à une très large majorité d’entamer des négociations officielles à propos d’une convention-cadre sur la coopération internationale en matière fiscale. Cette démarche permettra ainsi à tous les pays, et pas seulement aux membres de l’OCDE, de participer au processus. Cela constitue les premiers jalons pour l’organisation de COP sur ce thème dans les années à venir.

Directives et règlements européens

Au plan européen, la directive sur le devoir de vigilance (CSDDD), qui élargit la responsabilité sociale, environnementale et sociétale des entreprises, a été formellement adoptée le 24 mai après de multiples rebondissements. Par rapport au texte initial, le nombre d’entreprises concernées pourrait être réduit de 70 %. La directive touchera les groupes de 1 000 salariés ou plus réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 450 millions d’euros. Elle devrait s’appliquer dans trois ans pour les plus grandes sociétés. Les compagnies financières réglementées accordant des services financiers (prêts, crédits…) sont provisoirement exclues de l’obligation de vigilance.

Le règlement européen relatif à la restauration de la nature a été adopté à la suite d’une série de coups de théâtre encore plus rocambolesques. Il a pu être entériné grâce à l’apport, le 16 juin, de la voix de la ministre de l’Environnement écologiste autrichienne Leonore Gewessler, contre l’avis de son propre gouvernement. Ce règlement pose un cadre pour notamment fixer des objectifs juridiquement contraignants visant à rétablir 20 % des écosystèmes terrestres et marins de l’Union européenne d’ici 2030, et à restaurer au moins 30 % des habitats dégradés.

Le 6 février, le Parlement européen et le Conseil sont aussi parvenus à un accord politique provisoire sur le règlement pour une industrie « zéro net » (Net Zero Industry Act, NZIA). Celui-ci a pour but de créer les conditions réglementaires pour attirer et soutenir les investissements dans ces technologies dites « zéro net ». Les associations écologistes reprochent à ce règlement d’accorder à des solutions coûteuses et/ou non éprouvées (énergie nucléaire, captage du carbone) le même niveau de soutien qu’à des technologies disponibles ayant un impact de décarbonation démontré (technologies éoliennes et solaires, pompes à chaleur, batteries, réseaux, hydrogène renouvelable pour les secteurs ciblés). Le 10 avril, le Parlement européen a également approuvé une directive qui exigera que presque tous les nouveaux camions vendus en 2040 soient à émissions nulles.

Mais, dans un contexte mondial de plus en plus concurrentiel, ces initiatives prises par le législateur font face à un intense lobbying de la part de certains acteurs économiques. Ainsi, le 29 mai, l’ONG britannique InfluenceMap a publié un rapport qui montre comment l’industrie de la viande et des produits laitiers cherche à influencer l’agenda de l’Union européenne, dont le but est de faire baisser l’empreinte climatique de l’alimentation et du bétail. Le 14 novembre, le Parlement européen a approuvé le report d’un an du règlement contre la déforestation proposé début octobre par la Commission. Cette dernière veut même aller plus loin. Sa présidente, Ursula von der Leyen, a en effet déclaré qu’elle allait prochainement proposer une législation omnibus en vue de réduire la bureaucratie et de diminuer les charges liées aux reportings. Cette législation concernerait la CSDDD, la CSRD (la directive sur le reporting extra-financier) et la taxonomie verte. Malgré l’opposition de nombreux acteurs, y compris du monde des affaires et de la finance durable, la présidente semble déterminée à proposer un texte. Mais cela réduirait l’avance prise ces dernières années par l’Union européenne sur le registre des pratiques durables.

L’Europe réglemente aussi les activités des agences de notation extra-financières. Cela n’est pas anodin, compte tenu de l’influence que ces dernières peuvent éventuellement avoir sur les politiques d’investissement et de vote des investisseurs. Cette réglementation a été publiée le 9 février. Il est prévu qu’elle entre en application fin 2025 ou début 2026. Elle vise à renforcer la fiabilité et la comparabilité des notations ESG, à améliorer la transparence et l’intégrité des notations, et à prévenir les potentiels conflits d’intérêts.

En juin 2024, l’Europe a également adopté sa position sur la révision ciblée de la directive-cadre sur les déchets. Elle met l’accent sur les déchets alimentaires et textiles. Là aussi, les autorités ont décidé d’accorder un délai aux entreprises qui n’auraient pas encore intégré de bonnes pratiques et/ou anticipé cette réglementation. Celle-ci n’entrera pas en vigueur avant 2026. Toujours sur le thème de la protection des ressources et de la lutte contre le gaspillage, la directive établissant des règles visant à promouvoir la réparation des biens (R2R) a été adoptée le 13 juin 2024. Les États membres doivent la transposer dans leurs règles nationales et devront l’appliquer à partir du 31 juillet 2026. Elle oblige tous les fabricants à rendre les services de réparation « plus accessibles, transparents et attractifs ».

Consommation, déchets, ressources

L’hyperconsommation, le déversement considérable de déchets dans la nature et l’exploitation des ressources naturelles sont des thèmes qui ont été largement parcourus dans cette lettre et qui préoccupent de plus en plus la communauté. Des données publiées le 21 février par l’agence Reuters ont ainsi mis en évidence que Shein, Temu et TikTok Shop expédient la majorité de leurs articles par avion directement aux acheteurs depuis les usines chinoises. Désormais, la mode éphémère mobiliserait environ un tiers de la flotte mondiale d’avions-cargos longue distance. Cette mode génère aussi d’énormes quantités de déchets contre lesquels les législateurs commencent modestement à se mobiliser. Outre l’Union européenne, la Californie réagit timidement. Le 30 septembre, l’État est devenu le premier du pays à tenir les fabricants de vêtements responsables du sort des textiles après leur usage. En France, le 14 mars, une proposition de loi pour réduire l’impact environnemental de l’industrie textile (mode éphémère, etc.) a été votée par l’Assemblée nationale…

Dans le domaine alimentaire, le gaspillage ne faiblit pas. Dans la dernière édition de son Rapport sur l’indice de gaspillage alimentaire publiée le 27 mars, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) estime que 1,05 milliard de tonnes de nourriture ont été gaspillées en 2022. Ce chiffre est en progression de 12,8 % par rapport à 2019.

Les déchets plastiques sont un fléau pour l’environnement, mais aussi pour la santé. Le plastique est fabriqué à partir de divers produits chimiques toxiques. Lorsqu’il se décompose en morceaux microscopiques, ces derniers pénètrent dans le corps humain. Ils ont été retrouvés dans le sang, le cerveau et le placenta. Ce fléau touche particulièrement les pays en développement comme l’Indonésie. Là-bas, la marque d’eau minérale Aqua (Danone) représente la plus grande part de bouteilles vides en PET recueillies dans les rivières, selon un rapport de l’association indonésienne Sungai Watch rendu public le 13 février 2024. Le plastique est aussi une calamité au Bangladesh. Néanmoins, le pays a récemment décidé d’appliquer une loi de 2022 visant à mettre fin à son utilisation. Ainsi, les sacs en plastique à usage unique pour les courses sont interdits depuis le 1er octobre 2024.

Toutefois, ces mesures sont ponctuelles, et l’échec des négociations internationales sur le plastique qui se sont déroulées en novembre à Busan ne va pas dans le bon sens. De plus, les promesses des entreprises s’avèrent fallacieuses. Ainsi, le 13 juin, le Plastics Pact Network (Fondation Ellen MacArthur) a annoncé que les objectifs fixés pour ses membres aux États-Unis en 2020 ne seront pas tenus. Aussi la feuille de route a-t-elle été allégée et les échéances repoussées, voire supprimées.

Évidemment, cette situation a un impact sur les ressources. Dans son rapport The Global Resources Outlook 2024, publié le 1er mars 2024, l’International Resource Panel (IRP) du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) indique que la consommation des ressources continue d’augmenter de manière effrénée. L’orientation de l’activité humaine vers les énergies renouvelables ne change pas grand-chose. Certaines ressources, comme le lithium, sont de plus en plus surveillées et sont à l’origine de litiges. C’est le cas dans de nombreuses régions du monde, comme au Nigeria, où des organisations de la société civile contestent la construction d’une usine de traitement de lithium décidée le 10 mai par le président Bola Tinubu. De même, dans le Nevada (États-Unis), des associations environnementales et des scientifiques ont envoyé un rapport au Bureau of Land Management (BLM) relevant les problèmes posés par un projet de mine de lithium. Elles expliquent que si elle était autorisée, la mine détruirait 22 % de l’habitat critique du sarrasin de Tiehm, une fleur endémique et menacée de la chaîne de Silver Peak.

Énergie

Dans la crise climatique que nous traversons, la maîtrise et l’origine de l’énergie que nous consommons sont éminemment centrales. En juin, un rapport de l’Energy Institute a indiqué que la consommation mondiale d’énergie primaire a augmenté de 2 % en 2023 pour se situer 5 % au-dessus du niveau d’avant COVID. La consommation de pétrole, quant à elle, a dépassé les 100 millions de barils par jour pour la première fois dans l’Histoire, et les émissions de GES ont crû de 2,1 % sur un an. D’après une analyse de l’International Institute for Sustainable Development (IISD) parue en juillet, l’exploration pétrolière et gazière est en plein essor. Les ressources découvertes depuis le début de l’année 2024 pourraient libérer 12 milliards de tonnes de CO2 si elles étaient pleinement exploitées, soit plus que les découvertes combinées des quatre dernières années.

En juin, la banque mondiale a indiqué dans son Global Gas Flaring Tracker que la quantité de gaz brûlé dans le monde a augmenté de 9 milliards de m3 en 2023. C’est le niveau le plus élevé depuis 2019. Le 30 juillet, des chercheurs ont publié une étude dans laquelle ils montrent que le taux de croissance du méthane dans l’atmosphère s’accélère. Quant à l’Agence internationale de l’énergie, elle a averti le 13 mars que les émissions de méthane restaient à des niveaux records. De son côté, le groupe de réflexion sur l’énergie Ember a indiqué, dans une étude publiée le 29 juillet, que les sociétés charbonnières indonésiennes négligeaient considérablement les émissions de méthane de leurs mines. L’organisation précise que les rejets de CH4 des 10 plus grandes sociétés charbonnières du pays pourraient dépasser 8 millions de tonnes d’équivalent CO2, soit plus du tiers de leurs émissions potentielles totales.

En Asie du Sud-Est et du Sud, les centrales à charbon semblent avoir encore de beaux jours devant elles. Lors de la London Climate Action Week, qui s’est déroulée du 24 au 27 juin, le vice-Premier ministre et ministre de la Transition énergétique et de la Transformation de l’eau du pays a annoncé que la Malaisie allait fermer la totalité de ses centrales à charbon… mais d’ici 2044.

Le 1er juillet, Ember a publié une étude qui indique que la part de l’électricité produite à partir du charbon aux Philippines est passée de 59,1 % en 2022 à 61,9 % en 2023. Globalement, en Asie du Sud-Est, le taux de dépendance au charbon est passé de 31 % en 2022 à 33 % en 2023. En revanche, la Chine a fait quelques progrès en baissant sa production d’électricité à partir du charbon à 60,7 % en 2023. La presse internationale a révélé que le gouvernement indien avait demandé aux sociétés énergétiques de commander des équipements d’une valeur de 33 milliards de dollars en 2024 pour accélérer l’augmentation des capacités de production d’électricité à base de charbon. Cette mesure sans précédent étendra la puissance installée de 31 gigawatts dans les 5 à 6 prochaines années.

Aux États-Unis, les géants du Net relancent l’industrie nucléaire pour alimenter leurs centres de données. Google, Amazon et Microsoft ont tous fait de l’énergie nucléaire un élément clé de leurs stratégies visant à réduire les émissions associées à la croissance rapide des centres de données due à l’intelligence artificielle. Selon une étude réalisée par le chercheur Alex de Vries de Digiconomist et publiée en octobre 2023 dans la revue Joule, l’utilisation de l’IA pourrait représenter environ 0,5 % de la consommation électrique mondiale d’ici 2027.

Les entreprises du Net misent aussi sur les crédits carbone naturels. Le 22 mai, Google, Meta, Microsoft et Salesforce ont ainsi fondé la coalition Symbiosis, qui s’engage à conclure des contrats d’élimination du carbone d’origine naturelle de haute qualité. Ces contrats atteindront au moins 20 millions de tonnes de crédits d’ici 2030. De son côté, le secteur aérien ne répond pas aux besoins en matière de carburant vert. C’est ce que montre le nouveau classement des compagnies aériennes en fonction de leur implication dans les carburants d’aviation durables, publié le 3 décembre par l’association Transport & Environnement (T&E).

Mais on note aussi de bonnes nouvelles. Début 2024, l’Agence internationale de l’énergie a ainsi indiqué que la capacité mondiale d’énergie renouvelable avait augmenté de 50 % en 2023. Cela étant, ce secteur n’a plus la cote chez les entreprises pétrolières. Il plonge même dans l’incertitude, si l’on en croit les difficultés que rencontre Altérra, le plus important fonds privé mondial de lutte contre le changement climatique, pour trouver des opportunités d’investissement en particulier dans les pays en développement et les marchés émergents.

En Asie, les énergies fossiles ont encore la part belle. Cependant, des initiatives emblématiques voient le jour pour les faire reculer. Le 28 juin, la société publique sud-coréenne Korea Midland Power (Komipo) a ainsi annoncé l’annulation de son projet de construction d’un important terminal de GNL à Boryeong. Elle invoque une baisse de la demande de gaz et une augmentation potentielle de 22 % des coûts de construction. Aux États-Unis, à Painesville (Ohio), une centrale électrique au charbon qui a été mise en service en 1908 est sur le point de prendre sa retraite. Elle sera remplacée par une ferme solaire et un système de stockage de batteries sur une friche industrielle.

GES, climat

En fin d’année 2024, l’Union européenne a annoncé un recul de ses émissions de GES de 8,3 % en 2023 et de 37 % depuis 1990. En début d’année, l’organisation Agora Energiewende avait publié le volume de rejets de GES de l’Allemagne, plus grand émetteur de GES européen, pour l’année 2023. Le pays a ramené ses émissions à leur plus bas niveau depuis 70 ans. Ce sont de bonnes nouvelles qu’il faut cependant prendre avec humilité. L’Union ne représente que 6,9 % de l’ensemble des émissions mondiales, et Agora estime que seulement 15 % des rejets de GES économisés constituent une réduction pérenne des émissions.

Globalement, les rejets de méthane dans l’atmosphère vont peut-être ralentir, puisqu’un projet de réglementation publié le 12 janvier 2024 par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) impose aux sociétés pétrolières et gazières étatsuniennes de payer dès cette année une redevance sur les émissions de méthane. Les efforts doivent cependant être poursuivis, voire accrus. Dans une note du 5 avril, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) a en effet indiqué que les trois principaux gaz à effet de serre concentrés dans l’atmosphère avaient atteint de nouveaux records en 2023.

Le 30 mai, le Vermont a été le premier État étatsunien à faire payer aux grandes sociétés pétrolières les impacts des catastrophes climatiques grâce au Climate Superfund Act (S.259). Le 26 décembre, l’État de New York est devenu le deuxième à exiger des entreprises de combustibles fossiles qu’elles paient pour les dommages causés au climat. La loi S.2129-B/A.3351-B permettra à l’État d’infliger aux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre une amende totale de 75 milliards de dollars. Ce montant sera versé sur une période de 25 ans dans un fonds. La participation des entreprises reposera sur leur contribution aux émissions globales entre 2000 et 2018. Cet argent servira à payer les dommages déjà causés et aidera à couvrir les coûts des installations nécessaires pour faire face aux conditions météorologiques extrêmes à venir.

La pression s’accroît pour que les entreprises élargissent leur périmètre d’implication. Ainsi, à la suite d’un rapport publié le 23 février, l’association Planet Tracker a invité les principaux actionnaires de 6 des plus grands groupes publicitaires mondiaux à inciter les sociétés à modifier leur attitude à l’égard des clients causant un préjudice à l’environnement. De son côté, InfluenceMap a analysé la clientèle des 6 plus grandes agences de relations publiques et de publicité mondiales. Cette étude révèle que pour une même agence, plusieurs clients peuvent avoir des objectifs opposés dans leur plaidoyer concernant les politiques climatiques.

L’idée touche désormais les Nations unies, puisque le 5 juin, son secrétaire général, António Guterres, a appelé les médias d’information et technologiques à cesser de favoriser la « destruction planétaire » en acceptant l’argent de la publicité provenant des énergies fossiles. À ce sujet, le 12 septembre 2024, la ville néerlandaise de La Haye a adopté un règlement qui prévoit d’interdire la publicité dans les rues de la ville pour les produits et les services liés aux combustibles fossiles et ayant une empreinte carbone élevée.

Le lobbying est aussi une importante préoccupation. Un rapport publié le 13 février par le groupe de réflexion financier Planet Tracker exhorte les entreprises à réexaminer leurs liens avec les groupes de pression sectoriels. L’étude révèle que de nombreuses grandes sociétés, qui présentent des objectifs climatiques alignés sur l’accord de Paris, sont membres d’associations professionnelles qui ont une démarche allant à l’encontre de la sauvegarde du climat. Pour les auteurs, « des messages cohérents et une surveillance diligente des associations professionnelles devraient être la norme ».

Pour répondre aux objectifs de l’accord de Paris, de plus en plus d’entreprises ont recours aux crédits carbone ou pensent y faire appel. Mais ces dispositifs ont de plus en plus mauvaise réputation. La multiplication des scandales autour du marché des crédits carbone a refroidi les amateurs de ce type de produit. Selon le rapport 2024 intitulé State of the Voluntary Carbon Market publié le 30 mai 2024 par l’organisation Ecosystem Marketplace (EM), le volume global des transactions sur le marché du carbone a diminué de 56 % en 2023 après avoir baissé de 51 % en 2021.

L’initiative Science Based Targets (SBTi) est considérée par le monde des affaires comme la référence pour définir et certifier les objectifs de décarbonation des entreprises. En avril, la SBTi a affirmé que les certificats environnementaux, qui incluent les crédits carbone, pourront être utilisés pour compenser les émissions de scope 3. Cette déclaration a généré une levée de boucliers, y compris parmi les salariés de l’organisation. Les compensations ne peuvent en aucun cas neutraliser les rejets de GES. Au début du mois de juillet, son directeur général a démissionné. Et le 30 juillet, la SBTi a reconnu que certains types de crédits carbone étaient inefficaces et qu’une enquête plus approfondie était nécessaire pour prendre une décision sur la compensation du scope 3. En parallèle, l’Organisation internationale de normalisation (ISO) a annoncé en juin qu’elle avait commencé à travailler sur l’élaboration d’une nouvelle norme internationale sur la neutralité carbone (zéro émission nette).

Nature et biodiversité

En 2024, plusieurs articles d’Impact Entreprises ont été consacrés à la biodiversité et à la nature particulièrement malmenées par les activités humaines. Il en est de même pour leurs défenseurs. Selon le dernier rapport de Global Witness, publié le 9 septembre 2024, au moins 196 défenseurs de l’environnement ont été assassinés en 2023, soit trois personnes par semaine. Sur certains aspects, la situation se détériore moins, mais elle reste préoccupante. Ainsi, par rapport à 2022, la perte de forêts primaires au Brésil a été réduite de 36 % en 2023 (World Resources Institute). Il s’agit du plus faible niveau de perte depuis 2015. En revanche, les nouvelles d’Indonésie sont moins encourageantes. Le 10 novembre 2024, le Rainforest Action Network (RAN) a publié une nouvelle étude dans laquelle il montre que les déforestations illégales se poursuivent dans la réserve naturelle de Rawa Singkil.

Mais les initiatives des États pour accorder des droits propres à la nature émergent aussi çà et là. La petite île d’Aruba s’apprête à inscrire ce droit dans sa constitution. La commission mixte sur l’environnement et l’action climatique du Parlement irlandais a recommandé au gouvernement d’organiser un référendum national pour inscrire les droits de la nature dans la constitution du pays. Au Pérou, une décision judiciaire donne des droits légaux propres à la rivière Marañón. De leur côté, les États-Unis ont engagé la plus grande opération de destruction de barrages hydroélectriques afin de préserver la santé des populations de poissons et des réseaux fluviaux dans lesquels ils vivent.

Les mines (terrestres et marines) représentent un grand danger potentiel pour la biodiversité. En 2024, des progrès ont été enregistrés. Désormais 32 pays soutiennent un moratoire des activités d’exploitation, et des discussions ont eu lieu pour l’établissement d’un code. Elles n’ont pas abouti pour l’instant. Mais l’assemblée de l’AIFM (l’Autorité internationale des fonds marins) a élu au poste de secrétaire générale l’océanographe brésilienne Leticia Carvalho, plus ouverte que son prédécesseur à l’instauration d’un cadre réglementaire. En début d’année, le Mexique et la Colombie ont exprimé la volonté de faire évoluer leurs législations à l’encontre du secteur minier. D’autres pays semblent moins bien disposés, comme la Norvège, dont le Parlement a autorisé, le 9 janvier 2024, la possibilité d’accorder des licences d’exploration minière en haute mer sur une superficie de 280 000 km2 à l’intérieur des eaux territoriales du pays.

Les entreprises sont encore peu préoccupées par la biodiversité. Le 29 janvier, le média britannique edie a publié son premier rapport Sustainable Business Tracker. Dans ce document, il indique qu’au Royaume-Uni, un tiers seulement des dirigeants d’entreprises et de responsables du développement durable estiment qu’aux yeux de leur société, la biodiversité constitue un enjeu « critique » ou « élevé ». Mais cela évolue légèrement, puisque le 30 octobre, le Science Based Targets Network (SBTN) a annoncé que les sociétés GSK, Kering et Holcim avaient adopté leurs premiers objectifs scientifiques en faveur de la nature. À l’inverse, au début de l’année, trois organisations avaient publié une étude dans laquelle elles accusaient Adidas de participer à la déforestation de l’Amazonie.

Populations autochtones, communautés locales

Les populations autochtones sont essentielles pour faire avancer les sujets liés au développement durable, et leurs voix se font entendre sur de multiples terrains. À l’issue de la COP16 sur la biodiversité, les personnes d’ascendance africaine et des peuples autochtones ont enfin été reconnues en tant qu’acteurs clés dans la conservation de la biodiversité. Pour enrayer le développement d’unités de liquéfaction de gaz dans le golfe du Mexique, les représentants d’associations locales font le siège des acheteurs et des bailleurs de fonds européens (France, Espagne…) ou étatsuniens. La communauté mapuche (Argentine) a innové en demandant à la SEC (Securities and Exchange Commission) de publier un rapport sur les compagnies pétrolières exploitant le gaz de schiste.

Mais les problématiques foncières restent dominantes pour les communautés autochtones. En Tanzanie, des dizaines de milliers de Massaïs protestent contre leur expulsion de leur terre d’origine, la zone de conservation naturelle de Ngorongoro. D’après les témoignages des ONG, le gouvernement tanzanien veut les chasser pour faire plus de place aux sites de conservation, au tourisme de luxe et à la chasse aux trophées. Dans un article daté du 11 mars 2024, le média en ligne Mongabay a indiqué qu’un parc éolien, dans lequel EDF a été impliquée, a été construit sans tenir compte de la présence du village de pêcheurs Praia do Xavier, dont les premières maisons étaient situées à 200 mètres du mât le plus proche.

Exploitation, migrants

Les dizaines de millions de migrants dans le monde sont exposés à des situations très précaires, voire à l’esclavage moderne, que ce soit sur des chantiers, dans les champs, sur des bateaux de pêche, dans des ateliers clandestins… Début 2024, le Business & Human Rights Resource Center (BHRRC) a publié la quatrième édition de son classement d’entreprises du secteur du vêtement et de la chaussure dans le cadre de son programme KnowTheChain. Le BHRRC a analysé 65 parmi les plus grandes entreprises mondiales du secteur quant à leurs efforts visant à protéger les travailleurs de leurs chaînes d’approvisionnement contre les risques de travail forcé. Des allégations de travail forcé ont été identifiées dans les chaînes d’approvisionnement de près de la moitié des entreprises évaluées.

Au cours de l’année 2024, l’industrie du luxe a fait l’objet de sanctions de la part de la justice italienne. Des filiales de Giorgio Armani et de Dior ont confié tout ou partie de leur production à des sociétés tierces qui employaient des personnes d’origine chinoise, philippine ou pakistanaise en situation irrégulière et, surtout, dans des conditions proches de l’esclavage. Les sociétés incriminées ont été placées sous tutelle judiciaire. Le 17 juillet, l’autorité italienne de la concurrence a fait un pas supplémentaire en annonçant qu’elle enquêtait pour savoir si, dans cette affaire, Armani et Dior avaient induit les consommateurs en erreur. Probable conséquence de ce scandale, LVMH a révélé en novembre qu’il créait une direction industrielle chez Christian Dior Couture pour mieux maîtriser la production.

En octobre, l’association Amnesty International a publié une enquête sur la situation de migrants originaires du Népal, d’Inde et du Pakistan qui ont travaillé dans des établissements sous franchise Carrefour en Arabie saoudite. Les témoignages recueillis font état d’extorsion de fonds, de non-paiement d’heures supplémentaires, de journées de travail interminables, de logements indécents, de menaces de licenciement sans indemnités… Cette affaire met en exergue qu’il est indispensable d’élargir la responsabilité des entreprises à l’aval de leur chaîne de valeur.

Mais, en 2024, plusieurs entreprises ont également accepté de dédommager des migrants spoliés par leurs sous-traitants. C’est le cas de trois sociétés interpellées par l’association Transparentem (PVH, Second Clothing et Barbour) à la suite de ses révélations selon lesquelles elles s’étaient approvisionnées auprès de la firme mauricienne R.E.A.L. Garments ; cette dernier a recours au travail forcé, viole les droits humains, loge son personnel dans des conditions insalubres… Après des enquêtes menées par Amnesty International et un consortium de journalistes sur les violations des droits humains dont sont victimes des travailleurs népalais intervenant pour Amazon en Arabie saoudite, la multinationale a aussi annoncé en février 2024 qu’elle avait versé 1,9 million de dollars à plus de 700 migrants qui travaillaient ou avaient travaillé dans ses centres de distribution dans ce pays. Les réglementations pour protéger les travailleurs migrants sont peu nombreuses. L’Australie a cependant avancé sur ce plan en adoptant, en février, une loi qui décriminalise les travailleurs sans papiers et qui assure que les droits sur le lieu de travail s’appliquent à tous les salariés, quel que soit leur statut migratoire.

Rémunérations décentes

Les revendications pour une rémunération décente dans les chaînes d’approvisionnement des grands donneurs d’ordres sont toujours d’actualité et semblent même prendre de l’ampleur. À l’occasion des Jeux olympiques de Paris, des associations et des syndicats ont réitéré cette exigence auprès de Nike, et des actionnaires ont introduit un projet de résolution lors de son assemblée générale annuelle pour demander à la compagnie de rendre compte de la manière dont la gestion de sa chaîne d’approvisionnement était en phase avec ses objectifs en matière d’équité et avec ses engagements sur la question des droits humains.

Ce type de demande touche particulièrement le secteur agricole. En octobre, des producteurs de cacao du Ghana ont déposé une plainte auprès du mécanisme de réclamation et de recours du régulateur du pays, le Cocobod. Ils évoquaient des problèmes environnementaux et sociaux, et revendiquaient un revenu décent pour les agriculteurs. L’association suisse Public Eye a publié deux études (en mars et en juin) dans laquelle elle fait ressortir que les plans mis en place par Nestlé étaient insuffisants pour permettre aux producteurs de café de vivre dignement. En mai, la BBC a posté un documentaire sur Internet. Ce film révèle que le jasmin utilisé par les fournisseurs de Lancôme (groupe L’Oréal) et d’Aerin Beauty (groupe Estée Lauder) a été cueilli par des mineurs et que les rémunérations versées sont dérisoires. Le groupe L’Oréal a indiqué qu’il avait identifié des problèmes potentiels dès octobre 2023 et qu’il avait alors décidé de prendre des mesures immédiates.

Diversité, inclusion

La diversité et l’égalité des chances sont aussi des thèmes surveillés par les promoteurs de la responsabilité élargie des entreprises et de l’investissement responsable. En juin, l’agence Reuters a publié une étude dans laquelle elle révèle que Foxconn exclut systématiquement les femmes mariées des emplois dans sa principale usine indienne d’assemblage d’iPhone (Apple) située dans l’État du Tamil Nadu. Foxconn et Apple ont réfuté ces accusations, mais le ministère fédéral du Travail et de l’Emploi indien a indiqué qu’il avait demandé un rapport détaillé à l’État du Tamil Nadu.

Aux États-Unis, certaines politiques en faveur de la diversité font désormais l’objet de contestations de plus en plus vives et d’une certaine distance de la part des grandes entreprises. De cette manière, le 13 mai 2024, 18 États américains dirigés par les républicains ont intenté une action en justice visant à empêcher la Commission américaine pour l’égalité des chances en matière d’emploi d’appliquer de larges protections juridiques aux travailleurs transgenres. Le 25 novembre 2024, Walmart a annoncé qu’il allait limiter ses efforts en matière de DEI (Diversity, Equity and Inclusion). L’entreprise va ainsi mettre fin aux programmes de formation sur l’équité raciale destinés au personnel et procède actuellement à une évaluation des dispositifs conçus pour accroître la diversité chez ses fournisseurs. Face aux pressions des conservateurs, d’autres sociétés ont aussi récemment fait marche arrière sur leurs initiatives en ce qui concerne la diversité.

Conflits et business

L’accentuation des tensions et des conflits internes et internationaux a replacé la problématique des relations commerciales avec les belligérants, et en particulier avec les agresseurs. Le 7 juin, l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo (PRIO) a publié son rapport Conflict trends: a global overview, 1946-2023 dans lequel il précise que le nombre total de décès liés aux conflits a atteint son plus haut niveau depuis 30 ans.

Le 23 février 2024, le département d’État étatsunien a émis un avis détaillé sur les risques liés aux activités commerciales dans la Fédération de Russie et dans les territoires ukrainiens occupés par la Russie. Cet avis a été rédigé conjointement par le département d’État, le Trésor, et les ministères du Commerce et du Travail. De leur côté, en juillet, les services de renseignement ukrainiens ont publié une base de données sur Internet à propos des entreprises ayant fourni à la Russie du matériel pouvant fabriquer des armes. En date du 28 octobre 2024, cette base fournissait des informations sur 961 machines-outils fabriquées par 225 entreprises étrangères, utilisées par 153 usines situées sur le territoire russe et pouvant fabriquer des armes destinées aux agressions contre l’Ukraine. Pour sa part, le 12 septembre, l’organisation InformNapalm a publié une analyse dans laquelle elle montre qu’une société kazakhe collabore avec les forces armées russes pour assurer l’entretien de leurs avions de combat Su-30SM, et notamment des équipements cruciaux pour la navigation fournis par les sociétés françaises Thales et Safran. L’enquête souligne aussi que du personnel kazakh a été formé chez Thales en 2023, puis transféré en Russie pour la maintenance des équipements.

La résurgence des conflits au Proche-Orient a bien évidemment multiplié les prises de position sur les relations commerciales établies, notamment avec l’État d’Israël. Plusieurs instances onusiennes se sont exprimées en fin d’année 2024 pour condamner la présence israélienne dans les territoires occupés palestiniens et remettre en garde le secteur privé sur les risques juridiques qu’ils encourent face à cette situation. En avril, Thales a été ciblée aux Pays-Bas. Plusieurs de ses sites ont été bloqués par des militants associatifs qui accusent l’entreprise de fournir des pièces militaires à Israël. Toujours aux Pays-Bas, quatre associations ont annoncé, en mai, avoir déposé une plainte contre Booking.com. Elles accusent la plate-forme de voyages de blanchiment d’argent. Plus précisément, elles lui reprochent de mettre à disposition des hébergements dans les territoires palestiniens occupés et d’en tirer un profit.

Les conflits internes sont la plupart du temps très longs et entraînent souvent de très nombreuses victimes civiles. De plus, les éventuels recours contre les entreprises impliquées s’étendent sur des périodes interminables. Ainsi, le géant étatsunien de la banane Chiquita a versé 1,7 million de dollars au groupe paramilitaire colombien AUC entre la fin des années 90 et le début des années 2000. L’AUC est accusé par EarthRights International (ERI) d’avoir assassiné des villageois, des leaders syndicaux et des chefs de communauté. ERI a saisi les tribunaux étatsuniens au nom des familles de victimes. Après plusieurs années de procédures, un procès s’est finalement ouvert le 30 avril 2024 à West Palm Beach (Floride).

OMV AG est une société pétrolière autrichienne. Entre 1997 et 2003, elle était membre du consortium exploitant au Soudan le bloc 5A opéré par le Suédois Lundin. Le 7 mai 2024, le Centre international autrichien pour l’application des droits de l’Homme (CEHRI) et le mouvement pacifiste néerlandais PAX ont annoncé qu’ils avaient déposé une plainte pénale contre d’anciens cadres supérieurs d’OMV AG pour complicité de crimes de guerre au Soudan. Entre 1999 et 2003, l’armée soudanaise et les milices alliées ont dirigé des attaques systématiques et aveugles contre les populations civiles. BNP Paribas a également été poursuivie dans le cadre de ce conflit par plusieurs réfugiés soudanais, qui accusent la banque d’avoir aidé le gouvernement soudanais à commettre des actes de génocide entre 1997 et 2011. Après plusieurs années de procédures, la cour du district sud de l’État de New York a jugé, le 18 avril 2024, que la requête des plaignants était recevable.

À la suite d’une offensive d’envergure menée en 2021 contre la ville portuaire de Palma (Mozambique) par le groupe armé affilié à l’État islamique al-Shabab, le projet Mozambique LNG de TotalEnergies a été mis en situation d’urgence et gelé. En mars de la même année, des salariés de sous-traitants de TotalEnergies, n’ayant pu être évacués d’un hôtel où ils s’étaient réfugiés, se sont enfuis, mais sont tombés dans une embuscade. Trois rescapés de cette embuscade et quatre ayants droit de victimes qui y ont perdu la vie ont déposé une plainte pénale contre TotalEnergies devant le tribunal de Nanterre pour « homicide involontaire » et « non-assistance à personne en danger ». En mai 2014, le parquet a annoncé qu’il ouvrait une enquête préliminaire afin de déterminer s’il fallait poursuivre l’entreprise.

Greenwashing

La crédibilité des engagements communiqués par les sociétés en matière de responsabilité élargie est centrale pour actionner positivement deux moteurs importants : la demande et les financements. Aussi est-il crucial de s’assurer que les messages émis ne sont pas trompeurs.

Le 4 octobre, l’entreprise suisse RepRisk a publié son rapport spécial sur le greenwashing dans les entreprises mondiales. Du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, elle a répertorié 1 038 communications trompeuses liées à des enjeux environnementaux dans le monde au cours de l’année écoulée. Si ce chiffre est en recul de 12 % par rapport à la période précédente, le nombre de cas à haut risque a augmenté de plus de 30 %. En 2024, le secteur du pétrole et du gaz a représenté la plus grande part des cas d’écoblanchiment, suivi par l’alimentation et les boissons, puis par les services bancaires et financiers.

Sur ce sujet, Impact Entreprises a relevé plusieurs réactions des autorités nationales aux quatre coins du monde. En Afrique du Sud, le 14 août 2024, l’Advertising Regulatory Board (ARB) a mené une enquête concernant TotalEnergies Marketing South Africa sur les allégations de la multinationale en matière de durabilité. L’ARB reprochait au groupe de largement mettre en avant dans sa communication son engagement « en faveur du développement durable et de la protection de l’environnement ». Une plainte avait souligné les divergences entre l’engagement affiché de l’entreprise et son bilan environnemental réel. L’ARB a donc ordonné à TotalEnergies de retirer ou de modifier la publicité afin d’éviter de tromper davantage le public.

Le 6 juin, un tribunal fédéral australien a statué que le fonds de retraite Active Super trustee LGSS Pty Limited avait enfreint la loi en trompant ses membres sur ses investissements dits ESG. Cela faisait suite à une plainte déposée en 2023 par le régulateur australien des entreprises, des marchés et des services financiers, l’Australian Securities & Investments Commission (ASIC). L’ASIC affirme qu’entre 2021 et 2023, Active Super a investi dans des titres qu’il prétendait avoir éliminés ou limités grâce à des filtres ESG. En septembre, c’est le géant de la gestion financière Vanguard qui a écopé d’une amende de 12,9 millions de dollars australiens pour greenwashing. De son côté, le 14 mai 2024, l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) a annoncé la publication de ses lignes directrices pour l’utilisation des termes liés à l’ESG ou au développement durable dans le nom des fonds d’investissement. Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) a spécifié, le 10 septembre, qu’elle accusait la société Keurig Dr Pepper Inc. d’avoir déclaré dans ses rapports annuels portant sur les exercices 2019 et 2020 que les tests effectués auprès d’installations de recyclage indiquaient à tort que ses dosettes de café K-Cup « peuvent être efficacement recyclées ».

En février 2024, l’organisme de surveillance de la publicité britannique (Advertising Standards Authority, ASA) a donné raison à des plaintes déposées contre des publicités des constructeurs automobiles BMW et MG Motor vues pour la première fois sur Google en août 2023. Le 18 septembre 2024, la Competition and Markets Authority (CMA) du Royaume-Uni a annoncé la publication d’un nouveau guide à destination des marques de mode et des détaillants pour les aider à se conformer au Green Claims Code lorsqu’elles font des déclarations environnementales concernant leurs produits et services. Parallèlement, la CMA a envoyé des lettres à 17 marques de mode à propos de leurs allégations écologiques, leur conseillant de revoir leurs pratiques commerciales et leur précisant qu’elle aurait bientôt la possibilité d’infliger des amendes allant jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires mondial aux entreprises qui enfreignent la législation sur la protection des consommateurs.

Le 25 septembre, l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (AGCM, l’autorité de la concurrence italienne) a ouvert une enquête sur Infinite Styles Services Co. Limited, installée à Dublin, qui gère le site internet de Shein. Cette enquête met en avant le caractère potentiellement trompeur de certaines déclarations environnementales contenues dans les sections « #SHEINTHEKNOW », « evoluSHEIN » et « Social Responsibility » du site shein.com.

Le 30 avril 2024, la Commission européenne a annoncé qu’elle avait lancé, conjointement avec le réseau des autorités de protection des consommateurs (CPC) de l’Union, une action contre 20 compagnies aériennes pour pratiques trompeuses (greenwashing). L’action de la Commission fait suite à une plainte déposée en 2023 par l’Organisation européenne des consommateurs (BEUC).

Reportings et benchmarks

Débarrassée des informations trompeuses ou approximatives, la divulgation d’informations sociales, sociétales et environnementales est une bonne base de dialogue entre les entreprises et leurs parties prenantes. Selon le site internet Treillis, outre l’Union européenne, 9 pays ainsi que la Californie ont publié à destination des entreprises des exigences concernant la publication de données liées au climat, et 6 autres envisagent de le faire. De son côté, Impact Entreprises a relevé plusieurs faits majeurs sur ces démarches en 2024.

Le 6 mars 2024 la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a adopté la version définitive de son nouveau règlement sur l’obligation de reporting climatique des entreprises. Mais, quelques heures à peine après cette annonce, une coalition de 10 États républicains a annoncé le lancement d’une action en justice devant la cour d’appel fédérale américaine, visant à bloquer la mise en œuvre de ces nouvelles obligations. Le 4 avril, la SEC a donc décidé de suspendre leur exécution en attendant les jugements.

Le 8 février, les trois principales Bourses chinoises – Shanghai (SSE), Shenzhen (SZSE) et Pékin (BSE) – ont publié un projet de lignes directrices pour la divulgation d’informations en matière de durabilité. La Bourse de Pékin, qui abrite essentiellement des petites et moyennes entreprises, introduit ces lignes directrices sur une base volontaire. Ces sociétés devraient commencer à divulguer ces informations en 2026 à partir des données portant sur les exercices 2025.

Le 19 avril, la Bourse de Hong Kong a annoncé que les sociétés cotées devront se mettre à fournir des informations liées au climat sur la base des normes de l’International Sustainability Standards Board (ISSB) de la Fondation IFRS. Les premières déclarations se rapportant aux émissions des scopes 1 et 2 porteront sur les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2025. Par ailleurs, le 3 mai, l’Autorité monétaire de Hong Kong (HKMA) a publié sa taxonomie pour la finance durable (Hong Kong Taxonomy). La taxonomie hongkongaise est censée être interopérable avec les autres taxonomies existantes, en particulier celles de la Chine continentale, de l’Union européenne et de l’Asean.

Le 24 septembre, la Malaisie a lancé son National Sustainability Reporting Framework (NSRF). Le NSRF se servira des normes de l’ISSB comme référence. Les premières sociétés (celles cotées sur le marché principal ayant une capitalisation boursière supérieure ou égale à 2 milliards de ringgits, 431 millions d’euros) commenceront à utiliser les normes de l’ISSB en 2025. L’ACSR (le comité consultatif à propos du reporting sur le développement durable) prévoit d’imposer une assurance raisonnable des informations publiées à partir de 2027.

Le 23 septembre 2024, le régulateur du marché de la Bourse de Singapour (SGX RegCo) a annoncé des mises à jour de ses règles de reporting en matière de durabilité pour les sociétés cotées. À partir de 2026 (portant sur l’exercice 2025), les émetteurs devront publier un « rapport climatique » et leurs émissions de GES pour les scopes 1 et 2 sur la base des normes IFRS. Les exigences relatives aux rejets du scope 3 (chaîne de valeur, amont et aval) sont en cours de révision et ont été repoussées à une date ultérieure. Les autres éléments des rapports de durabilité devront également être divulgués selon le principe « se conformer ou expliquer ». Leur publication deviendra obligatoire à partir de 2027. Une assurance modérée sur les émissions de GES des scopes 1 et 2 devra être obtenue deux ans après la publication des premiers rapports.

En Australie, la Chambre des représentants a adopté le 9 septembre un projet de loi modifiant la législation relative aux sociétés et autres finalités connexes. Les nouvelles règles prévoient notamment l’obligation pour les grandes et moyennes entreprises de divulguer des informations financières liées au climat. Pour les sociétés qui sont tenues de fournir des rapports financiers annuels audités à la Commission australienne des valeurs mobilières et des investissements (ASIC) et qui répondent à des seuils de taille, la loi entrera en vigueur pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 2025. Par ailleurs, pour les exercices débutant le 1er juillet 2024 ainsi que les suivants, les firmes australiennes devront publier des informations de nature fiscale pour une liste de juridictions définie par le ministère des Finances.

De son côté, le 9 octobre, le gouvernement canadien a présenté un plan visant à élaborer une nouvelle taxonomie d’investissement pour catégoriser les activités économiques qui permettront d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Le même jour, il a annoncé son intention de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) afin d’exiger des informations financières liées au climat de la part des grandes sociétés privées.

Sensibilisation, compétences et engagement

Dans son étude 2024 Gen Z and Millennial Survey publiée le 14 mai, le cabinet Deloitte montre que les jeunes nés entre 1983 et 2005 sont de plus en plus sensibles aux questions environnementales dans leurs parcours professionnels. Cette tendance est corroborée par de nombreuses autres études, et notamment par l’agence de conseil Universum, qui souligne également que la crédibilité des firmes sur la question de la RSE semble progresser parmi les étudiants de niveau Bac+5 et les jeunes actifs ayant jusqu’à 5 ans d’expérience.

Dans son étude CEO Outlook Pulse Survey publiée en avril, le cabinet d’audit et de conseil EY montre que 54 % des responsables d’entreprises estiment qu’eux et leurs conseils d’administration ont accordé une plus grande priorité au développement durable qu’il y a 12 mois. Mais l’enquête indique aussi que pour les dirigeants, les questions liées au développement durable sont surtout une priorité à long terme. Sur les 12 prochains mois, l’urgence est à l’investissement dans la technologie et dans l’IA pour améliorer la croissance et la productivité. Pour 73 % des P.-D.G., les investisseurs activistes sont plus préoccupés par les résultats financiers à court terme que par les performances à long terme liées à des critères de durabilité. En ce qui concerne les investisseurs, seulement 28 % d’entre eux déclarent que la durabilité est une priorité plus élevée qu’elle ne l’était il y a 12 mois.

Quoi qu’il en soit, de nombreux professionnels doivent monter en compétence sur différentes facettes liées au développement durable. Le 24 janvier 2024, lors de son premier discours en tant que directeur général de l’Autorité monétaire de Singapour (MAS), Chia Der Jiun a ainsi affirmé qu’il était nécessaire de renforcer les compétences des personnes employées dans le secteur financier. Même les facultés de médecine intègrent désormais des cours sur le climat dans leurs cursus. De cette manière, le Planetary Health Report Card (PHRC) évalue les programmes d’études des facultés de médecine sur l’environnement et la santé, aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

Pour ce qui est des profils dans les entreprises, le cabinet de services juridiques aux grandes entreprises et aux institutions financières Norton Rose Fulbright a publié en janvier les résultats d’une enquête qui fait ressortir que les risques et l’évolution de la réglementation autour de la technologie et de la cybersécurité dominent les préoccupations des conseillers et responsables juridiques. Mais les « litiges ESG » commencent à prendre une place importante dans les activités des responsables juridiques (greenwashing, controverses entourant les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion, pressions réglementaires anti-ESG…).

De manière générale, le champ d’activité, voire les prérogatives des personnes responsables de la RSE dans les entreprises s’élargit. De fait, leur charge de travail s’alourdit, avec parfois des conséquences sur la santé. Selon la société britannique Mitie, 7 professionnels sur 10 estiment que l’augmentation de la charge de reporting (interne et externe) exerce une telle pression sur leurs équipes que ces dernières risquent de ne pas être en mesure de mettre en œuvre des programmes efficaces.

En parallèle, la prise en compte de critères extra-financiers dans la rémunération des dirigeants continue de progresser sur tous les marchés. La société de gestion BNP Paribas AM a d’ailleurs annoncé le 27 juin 2024 qu’elle avait incorporé dans sa politique de vote de nouvelles attentes envers des entreprises. Elle exige désormais que ces dernières intègrent des critères liés au climat dans les plans de rémunération des dirigeants. Pour autant, les préoccupations des administrateurs sur les enjeux liés au développement durable semblent piétiner aux États-Unis. C’est ce qui ressort d’une étude publiée en septembre par le cabinet-conseil PwC. En effet, son enquête fait ressortir que moins de la moitié des 520 administrateurs des sociétés interrogés (47 %) déclarent que ces questions font régulièrement partie de l’ordre du jour des réunions (contre 52 % en 2023 et 55 % en 2022, 34 % en 2019).

Engagement actionnarial

Aux États-Unis, l’opposition entre les pro-ESG et les anti-ESG continue de faire rage. Ainsi, au Texas, le State Board of Education (SBOE), qui supervise le Texas Permanent School Fund (PSF), a annoncé le 19 mars 2024 qu’il cédait 8,5 milliards de dollars investis chez BlackRock en vertu des lois anti-ESG texanes SB13 et SB19, entrées en vigueur le 1er septembre 2021. De même, le 14 août, la banque britannique NatWest a été ajoutée à la liste des sociétés financières publiée par le bureau du comptroler du Texas, susceptibles de faire l’objet d’un désinvestissement par les fonds de pension de l’État pour avoir « boycotté » les sociétés pétrolières et gazières. La liste comprend désormais 16 sociétés, dont les banques françaises BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale.

C’est dans ce contexte que, le 21 janvier 2024, ExxonMobil, dont l’assemblée allait se tenir le 29 mai, a déposé un recours auprès d’un tribunal de district texan pour empêcher qu’un projet de « résolution climatique » de l’association néerlandaise Follow This et de la société d’investissement Arjuna Capital soit proposé au vote des actionnaires. Les deux organisations ont préféré retirer leur projet plutôt que de s’exposer à un procès ruineux et de prendre le risque de créer un précédent préjudiciable au droit des actionnaires.

Toujours aux États-Unis, un pilote d’American Airlines, Bryan Spence, a intenté une action juridique contre son entreprise devant un tribunal fédéral du Texas. Il reproche à son employeur d’avoir mal géré le 401(k) (l’épargne-retraite des employés) en investissant auprès de gestionnaires de fonds qui « poursuivent des agendas politiques de gauche » par le biais de stratégies ESG, de votes par procuration (proxies) et d’activisme actionnarial. L’initiative, reconnue comme action de groupe, pourrait réunir jusqu’à 100 000 cotisants au régime. Il s’agit de l’une des premières actions de cette nature dans le secteur privé.

À la suite de cela, les géants de la gestion d’actifs BlackRock et Vanguard réduisent leurs ambitions en matière d’engagement responsable, ambition déjà considérée comme timide par les fonds activistes. Les deux sociétés ont publié leurs rapports de gestion pour la saison des assemblées générales de 2024. Ces rapports montrent que leur soutien aux propositions climatiques des actionnaires a encore diminué cette année. BlackRock n’a soutenu que 20 des 493 propositions climatiques présentées. Il s’agit d’une nouvelle baisse par rapport à l’année dernière. De son côté, Vanguard a révélé avoir examiné plus de 400 propositions d’actionnaires environnementales et sociales, mais n’avoir adhéré à aucune initiative.

En France, le dépôt de projets de résolution externe aux assemblées générales est peu pratiqué pour des raisons culturelles, mais aussi techniques. À l’occasion du débat sur une proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (mars 2024), le député socialiste Dominique Potier a inscrit des amendements avec pour but de faciliter le dialogue et la démocratie actionnariale. Ces amendements abaissaient notamment le seuil nécessaire pour déposer un projet de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale des entreprises cotées dont le capital était supérieur à 1 milliard d’euros. Ces amendements n’ont pas recueilli l’avis favorable du gouvernement et ont été rejetés. Toutefois, la ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme a concédé qu’il fallait réviser le seuil actuel à la baisse, mais qu’il fallait aussi se donner le temps de la réflexion.

Cela étant, si elles sont plus sereines qu’aux États-Unis, en France, les relations entre investisseurs et émetteurs se tendent clairement. Ainsi, TotalEnergies a laissé entendre que les questions qui lui sont posées à l’occasion de son assemblée générale pourraient constituer « un abus de droit, que la jurisprudence applicable sanctionne ». Par ailleurs, en avril, appuyée par le FIR, la fondation suisse Ethos avait déposé un projet de résolution (consultatif) à l’ordre du jour de l’assemblée de TotalEnergies. Ce projet demandait aux actionnaires de dissocier les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général. Les co-déposants estimaient que « la concentration des pouvoirs aux mains d’une seule et même personne [représentait] en effet un risque intrinsèque de conflits d’intérêts ». Mais, lors de sa séance du 25 avril, le conseil d’administration de TotalEnergies a décidé à l’unanimité de ne pas inscrire cette proposition à l’ordre du jour de l’assemblée, estimant que « le choix du mode de gouvernance [relevait] de la compétence exclusive du conseil d’administration ».

Pour autant, l’engagement actionnarial poursuit sa route, y compris en dehors des États-Unis, et s’organise. Le 11 janvier 2024, le CWC (Global Unions’ Committee on Workers’ Capital), par exemple, a publié une analyse des votes de 10 des plus grands gestionnaires d’actifs mondiaux (parmi lesquels Amundi) sur 13 résolutions liées au respect des droits sociaux fondamentaux présentées lors des assemblées générales annuelles de 10 entreprises en 2023. Le CWC est une initiative conjointe entre la Confédération syndicale internationale (CSI), des fédérations syndicales internationales et la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (TUAC). Les 5 plus grands gestionnaires d’actifs au monde, tous installés aux États-Unis, ont montré un faible soutien aux résolutions liées aux droits sociaux fondamentaux proposées par des actionnaires. À l’inverse, leurs homologues non américains ont voté la plupart du temps en faveur de ces résolutions. Sur un autre sujet, le Center for Native American and Indigenous Studies de l’université de Colorado Boulder a publié le 25 novembre 2024 un rapport sur la prise en compte des droits des peuples autochtones et sur leur participation dans les propositions de résolution à l’ordre du jour des assemblées générales des sociétés étatsuniennes et canadiennes en 2024.

En assemblée générale, les actionnaires continuent de questionner les conseils d’administration des grands groupes, bien que, dans certains pays, le développement des assemblées générales tenues en dehors de la présence physique des actionnaires rende l’exercice plus difficile. En France, le Forum pour l’investissement responsable (FIR) poursuit sa campagne de questions écrites aux entreprises du CAC 40. La multinationale Rio Tinto a été sous le feu des critiques pour sa gestion de l’eau et le respect de la biodiversité lors de son assemblée générale. Un actionnaire a interrogé le président de séance pendant l’assemblée générale d’Axa à propos des investissements de la compagnie dans des entreprises israéliennes (notamment dans la banque Hapoalim). Les actionnaires ont rejeté le plan de transition énergétique de la société australienne Woodside Energy.

Les fonds de pension continuent d’exclure progressivement les sociétés pétrolières de leurs actifs. C’est le cas du fonds de pension néerlandais PFZW créé par les organisations d’employeurs et de salariés du secteur des soins et de la protection sociale. C’est le deuxième fonds de pension aux Pays-Bas de par sa taille. Le 8 février, PFZW a annoncé qu’il avait cédé ses participations dans 310 sociétés pétrogazières, parmi lesquelles TotalEnergies. De son côté, KLP, le principal organisme de retraite norvégien, a déclaré le 28 juin qu’il avait cédé une participation de 69 millions de dollars dans Caterpillar en raison de son implication présumée dans la destruction de Gaza et de son apport au développement des colonies illégales en Cisjordanie.

Actions en justice

Les actions en justice contre les grands groupes multinationaux se multiplient dans toutes les régions du monde.

Plusieurs médias ont fait savoir que la compagnie pétrolière TotalEnergies avait fait l’objet d’une nouvelle assignation en justice le 9 janvier 2024. Celle-ci a été déposée au nom d’une cinquantaine de citoyens yéménites, qui reprochent au groupe français d’être à l’origine de faits de pollution dans la région de l’Hadramaout. Ils évoquent notamment la contamination des nappes phréatiques par des substances toxiques ainsi que les hydrocarbures dont la terre est gorgée à la suite d’incidents sur les oléoducs et qui remontent après les fortes pluies.

Le 15 novembre 2022, 32 citoyens philippins (militants écologistes, pêcheurs…) ont déposé une plainte devant le Fair Trade Enforcement Bureau (FTEB) contre Coca-Cola, Pepsi-Cola, Nestlé, Unilever, Procter et Gamble (P&G), Colgate Palmolive et Universal Robina Corp. Ils reprochaient aux entreprises d’utiliser sur leurs emballages des symboles comme le ruban de Möbius et le tidyman, accompagnés de mots tels que « recyclable », « prêt à recycler », etc. Or, ces mentions sont trompeuses, car tout le plastique n’est pas recyclable, et certains emballages en plastique recyclable émettent de dangereuses toxines que les Philippines n’ont pas la capacité de traiter. P&G a accepté d’engager le dialogue. Les parties ont conclu un accord le 14 février. Les termes et conditions de l’accord comprennent le remboursement symbolique du prix d’achat du produit qui fait l’objet de la plainte contre P&G Philippines.

En Belgique, le 22 février, l’association britannique ClientEarth a annoncé qu’elle avait assigné en justice le groupe britannique spécialisé dans la chimie Ineos, aux côtés de 14 autres ONG, pour bloquer la construction de son projet d’usine de plastique (Project One) dans le port d’Anvers. Si ce projet aboutissait, il donnerait naissance à la plus grande usine de plastique d’Europe. Ce recours est le prolongement d’une suite d’actions juridiques engagées depuis 4 ans.

Le 28 janvier, la procureure générale de l’État de New York, Letitia James, a intenté une action en justice contre JBS USA Food Company et JBS USA Food Company Holdings pour avoir « arrangé » la description des plans du groupe visant à atteindre la neutralité carbone d’ici 2040. Elle souligne que, de fait, JBS a induit le public en erreur quant à ses efforts pour réduire la déforestation et ses émissions de GES.

Le 8 mars, l’association de défense du climat installée à Séoul Solutions For Our Climate (SFOC) a déposé une plainte contre deux entreprises auprès de l’organisme en charge du respect de la loyauté des pratiques commerciales (Korean Fair Trade Commission, KFTC) et de l’Institut coréen de l’industrie et de la technologie de l’environnement. Les deux sociétés accusées sont le conglomérat manufacturier et de services SK, et le géant de la sidérurgie Posco. SFOC reproche à ces deux groupes d’avoir « blanchi » les progrès qu’ils ont effectués en matière de décarbonisation en comptant deux fois les réductions d’émissions qu’ils ont réalisées grâce au programme Green Premium.

Aux États-Unis, le 15 mai, une action collective a été déposée auprès d’une cour de district californienne contre BIC USA. La société est accusée de ne pas avoir informé les consommateurs que ses rasoirs contiennent des « produits chimiques permanents », étant entendu, souligne la plainte, que ceux-ci peuvent être nocifs pour la santé humaine et l’environnement, même à de faibles niveaux. Le PFAS (en l’occurrence du téflon) recouvre les lames des rasoirs afin de réduire la friction entre ces dernières et la peau.

Le 11 octobre, la Cour d’appel de l’Angleterre et du pays de Galle a statué en faveur des communautés nigérianes Bille et Ogale dans le cadre d’une affaire de pollution présumée causée par SPDC, la filiale nigériane de Shell plc. L’appel annule une décision de la Haute Cour de justice de mars 2024 qui aurait rendu pratiquement impossible le dépôt de plaintes environnementales impliquant de multiples incidents de pollution. Les plaintes, qui ont été déposées il y a près de 10 ans, devraient désormais enfin faire l’objet d’un procès complet avec la possibilité d’avoir accès à d’importants documents de Shell.

Le 29 octobre 2024, le comté de Los Angeles (Californie) a annoncé avoir intenté une action en justice contre PepsiCo et Coca-Cola devant la Cour supérieure de Los Angeles. Il affirme que ces deux groupes jouent un rôle important dans l’impact de la pollution au plastique sur l’environnement et la santé publique. Compte tenu de leur importante part du marché des boissons, les deux entreprises ont été classées parmi les plus grands pollueurs en plastique du monde pendant 5 années consécutives, d’après une étude d’avril 2024.