Les agences de publicité sont appelées à revoir leurs relations avec leurs clients polluants (GES, déchets, eau)

Pour justifier la poursuite de l’exploration et de la production, Patrick Pouyanné, le patron de TotalEnergies, explique qu’il ne fait que répondre à la demande. Il n’est pas le seul à mettre en avant cet argument pour poursuivre des opérations qui ne vont pas dans le sens de l’intérêt collectif. En conséquence, depuis quelque temps, les acteurs de la société civile essayent d’intervenir sur la demande, et plus particulièrement sur le secteur qui vise à promouvoir cette demande : la publicité. Depuis trois ou quatre ans, ces actions sont de plus en plus visibles en ce qui concerne les énergies fossiles.

L’organisation à but non lucratif britannique Planet Tracker a décidé d’aller plus loin et d’élargir le champ des entreprises à qui les agences de publicité ne devraient pas fournir de prestations. Le 23 février 2024, l’ONG a publié un rapport baptisé From ADversity to ADvantage, dans lequel elle cible les firmes qui ont une empreinte en eau et en déchets élevée. Pour Planet Tracker, les groupes publicitaires devraient œuvrer plus activement afin d’orienter leurs clients vers des modèles économiques durables et/ou de refuser de travailler pour les marques polluantes.

Le rapport invite les principaux actionnaires de 6 des plus grands groupes publicitaires mondiaux à inciter ces sociétés à modifier leur attitude à l’égard des clients causant un préjudice à l’environnement. Il ajoute qu’en ne lançant pas une telle démarche, les investisseurs sont complices de la persistance du statu quo. Ces 6 agences sont WPP (Royaume-Uni), Interpublic Group (États-Unis), Omnicom (États-Unis), Dentsu (Japon), Havas (France), filiale de Vivendi, et Publicis Groupe (France). Elles représentent près de 10 % du marché publicitaire mondial.

Ces dernières années, les grandes agences ont fortement investi pour défendre la conscience environnementale, y compris en finançant des programmes pro bono, et se sont engagées dans des démarches visant à diminuer leur propre empreinte environnementale. Mais cet impact se révèle être très réduit au regard de celui des entreprises polluantes dont elles assurent la promotion.

Le document attire aussi l’attention sur le fait que cette contradiction peut avoir des répercussions financières. Certains clients qui ont une démarche proactive en matière environnementale pourraient se détourner de ces agences, ne serait-ce que pour ne pas prendre le risque de ternir leur image. Cela présente un risque réel. Entre 2015 et 2022, les 6 agences ont connu une croissance plus lente que le secteur. Cela est notamment dû aux géants du numérique qui ont capté d’importantes parts de marché, mais aussi à la concurrence des agences indépendantes, dont plus de 900 se sont d’ores et déjà engagées à cesser de travailler pour les clients ayant des activités dans les combustibles fossiles.

Enfin, les rémunérations variables des dirigeants prennent rarement en compte des critères environnementaux, et lorsque c’est le cas, le poids de ces critères est très faible et ne comprend pas la performance environnementale des clients. Cela limite l’implication des dirigeants à prendre en compte les externalités environnementales dans leurs décisions. Le rapport a estimé les empreintes indirectes (eaux, déchets, GES) des 6 agences sur la base des données de 39 de leurs clients et encourage ces groupes publicitaires à mesurer, voire à divulguer les empreintes environnementales de leurs clients.