Pour protéger ses intérêts en Colombie, Chiquita a payé des paramilitaires accusés d’avoir commis des milliers d’assassinats. Ouverture du procès

En juillet 2007, l’association EarthRights International (ERI) a engagé aux États-Unis une action de groupe contre le géant étatsunien de la banane Chiquita. L’ONG intervenait pour le compte de familles de villageois, de leaders syndicaux et de chefs de communauté assassinés par le groupe paramilitaire colombien Autodefensas Unidas de Colombia (AUC – Autodéfenses unies de Colombie). Quatre mois auparavant, Chiquita avait conclu un accord avec le ministère de la Justice étatsunien pour mettre un terme aux poursuites l’accusant d’avoir versé 1,7 million de dollars à l’AUC entre la fin des années 90 et le début des années 2000. L’AUC était considérée comme une organisation terroriste par les États-Unis. Chiquita avait reconnu les faits et s’était acquitté d’une amende de 25 millions de dollars.

Après de nombreuses années de procédures judiciaires, entre requêtes rejetées et recours recevables, le juge fédéral Kenneth Marra du tribunal du district sud de Floride a finalement décidé, le 15 mars 2023, que la société Chiquita Brands International pouvait être jugée aux États-Unis pour avoir illégalement financé l’AUC. Le procès s’est ouvert le 30 avril 2024 à West Palm Beach (Floride).

Les avocats de Chiquita affirment que l’entreprise n’avait pas d’autre choix que de verser de l’argent à l’AUC pour mettre ses employés colombiens à l’abri des violences qui ravageaient la région. Les avocats des familles des victimes pensent au contraire que la société avait le choix, notamment de ne pas poursuivre ses activités, et qu’elle s’était volontairement associée à l’AUC pour « pacifier » la zone, et ce, afin de « protéger ses profits ».

Les avocats des familles ont rappelé que des groupes rivalisant pour le contrôle du marché de la drogue ont plongé la zone où était installée Chiquita dans une guerre civile sans merci. Les affrontements ont opposé les FARC, une faction de la gauche radicale qui menaçait Chiquita, à l’AUC, un groupe d’extrême droite créé en réponse à la menace des FARC. Quand les civils ont fui la zone, Chiquita a acheté des terres abandonnées à des prix avantageux et embauché des milliers de Colombiens pour les cultiver. Pour les avocats, les bénéfices de la multinationale ont ainsi augmenté, alors même que le conflit s’aggravait. Les responsables de l’entreprise ont rencontré le dirigeant de l’AUC, Carlos Castaño, en 1997. Peu de temps après, Chiquita a effectué son premier versement documenté à l’AUC.

Le procès devrait durer au moins un mois. Plus de 7 500 personnes ayant perdu des proches assassinés par l’AUC ont porté plainte contre Chiquita.