En Europe, les investisseurs s’affrontent lors des assemblées générales des entreprises pétrolières

En amont de l’assemblée générale de BP qui s’est tenue le 12 mai 2021, un mouvement d’actionnaires coordonné par l’association Follow This avait déposé un projet de résolution à l’ordre du jour du groupe pétro-gazier (IE n° 345). Ces actionnaires demandaient à BP de réaliser un nouveau rapport sur sa stratégie et ses politiques sous-jacentes pour atteindre des objectifs conformes à l’accord de Paris. La direction du groupe pétrolier avait recommandé de voter contre la résolution. Cette initiative avait aussi mis en évidence les divergences de vues au sein de la communauté financière quant à la stratégie de dialogue actionnarial à adopter vis-à-vis de l’approche climatique du groupe. En effet, plusieurs grands gestionnaires d’actifs, réunis au sein du Climate Action 100+ (CA100+), avaient préalablement annoncé qu’ils voteraient contre ce projet de résolution externe. A l’issue du scrutin, la résolution « dissidente » a finalement recueilli 20,65 % des suffrages (soit une capitalisation de 7,4 milliards de livres sterling) contre 8,4 % en 2019. Le score obtenu par les investisseurs insatisfaits par la nouvelle stratégie de BP est donc loin d’être négligeable et pourrait inciter le groupe à réexaminer ses engagements.

Follow This avait également organisé le dépôt d’un projet de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale du groupe anglo-néerlandais Shell qui s’est tenue le 18 mai. Le contexte était cependant un peu différent puisque le conseil d’administration de l’entreprise avait lui-même proposé un projet de résolution au suffrage de ses actionnaires sur sa stratégie de transition. Le vote était à titre consultatif. Dans ce projet, Shell prévoyait de réduire « l’intensité carbone » de l’énergie qu’il produit de 20 % d’ici 2030 et de 45 % en 2035, ainsi qu’une réduction, en absolu, de ses émissions de 100 % d’ici 2050. Mais de son côté, Follow This estimait que les émissions absolues de Shell ne pourraient pas baisser de plus de 10 % au cours des dix prochaines années. Cela laisse trop d’incertitudes pour les deux dernières décennies.

Le « match » opposait donc une résolution officielle à une résolution alternative. Cette dernière a obtenu 30,47 % de votes favorables. La résolution présentée par le conseil a recueilli 88,74 % des voix. Bien qu’elle ait été minoritaire, la bonne performance de la résolution déposée par les actionnaires va inciter la direction de Shell à chercher « à comprendre pleinement la raison pour laquelle les actionnaires ont voté comme ils l’ont fait, en particulier ceux qui ont voté à la fois ‘pour’ la stratégie de Shell et ‘pour’ la résolution des actionnaires » et à en rendre officiellement compte aux investisseurs dans les six mois.

Le conseil d’administration de Total va également interroger à titre consultatif les actionnaires du groupe au sujet de « l’ambition de la société en matière de développement durable et de transition énergétique vers la neutralité carbone et ses objectifs en la matière à horizon 2030 ». Contrairement à 2020, il n’y aura pas, cette année, de projet de résolution déposé par des actionnaires. L’année dernière, la société avait souligné que « la résolution proposée [portait] atteinte aux prérogatives du conseil d’administration et [conduisait] à une immixtion de l’assemblée générale dans la sphère de compétences du conseil d’administration » (IE n° 323). L’argument était très discutable d’un point de vue juridique. Mais les procédures et le droit français accordent une très grande latitude aux conseils d’administration pour rejeter les projets de résolution émanant d’actionnaires. Quoi qu’il en soit, la proportion des actionnaires qui voteront favorablement à la quatorzième résolution sera un bon indicateur de leur adhésion – à court terme – au plan de Total.