L’Europe avance (lentement) vers une directive sur le devoir de vigilance

Le 10 mars, le Parlement européen a adopté à une très large majorité (504 voix pour, 79 votes contre, 112 abstentions) une résolution comportant des recommandations à la Commission sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises. Les organisations européennes représentatives de la société civile prennent acte des avancées contenues dans le rapport, mais insistent pour que plusieurs points soient améliorés par la Commission, qui doit publier son projet de législation d’ici quelques mois. Les organisations regrettent que le texte ne prévoie que « l’adoption de processus » et l’absence de responsabilité pénale. Pour autant, ce texte montre le chemin parcouru par les institutions européennes depuis la proposition de résolution formulée en 1998 par l’eurodéputé britannique Richard Howitt sur les normes communautaires applicables aux entreprises européennes opérant dans les pays en développement, mais aussi l’influence de la loi française du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des compagnies donneuses d’ordre.

Le Parlement considère que « les normes volontaires en matière de devoir de vigilance ont des limites et qu’elles n’ont pas permis de progrès importants en matière de protection des droits de l’Homme, de prévention des dommages pour l’environnement et d’accès à la justice ». Il recommande donc à la Commission que les grandes entreprises et les PME cotées ou à haut risque (y compris celles qui ne seraient pas établies sur le territoire de l’Union mais qui y exerceraient des activités) respectent des obligations de vigilance, en particulier quant à leurs chaînes de valeur et à leurs relations d’affaires.

Il s’agirait, pour les entreprises, « d’identifier, d’évaluer, de prévenir, de faire cesser, d’atténuer, de surveiller, de suivre, de communiquer et de traiter les incidences négatives potentielles ou réelles sur les droits de l’Homme, l’environnement et la bonne gouvernance que leurs propres activités, celles de leurs chaînes de valeur et de leurs relations d’affaires pourraient engendrer, ainsi que de rendre compte de ces incidences et d’y remédier ». La proposition insiste pour que les parties prenantes participent au processus, en particulier les partenaires sociaux. De plus, elle prévoit que des mécanismes de traitement des plaintes soient instaurés par les entreprises et que ces dernières rendent compte des progrès réalisés. Des sanctions administratives et l’adoption de mesures provisoires par les entreprises en cas de risque de « préjudice irréparable » sont également envisagées. Les eurodéputés demandent aussi que les États membres veillent à disposer d’un régime qui puisse engager la responsabilité des entreprises et les appeler à réparer les préjudices résultant de leurs manquements ou de leurs actions.