Une banque indemnise des populations déplacées de force par un de ses anciens clients

Il s’agit d’un précédent majeur. En 2011, la filiale cambodgienne de la banque australienne ANZ (ANZ Royal Bank) avait consenti un prêt de 40 millions de dollars à la société sucrière Phnom Penh Sugar (PPS) pour la construction d’une usine de raffinage. PPS était une filiale du groupe LYP, dirigé par le sénateur cambodgien Ly Yong Phat, dont la corruption et les pratiques commerciales illégales étaient notoires. A l’époque où PPS recherchait des financements, des associations et les médias internationaux avaient dévoilé le recours de cette entreprise au travail des enfants, ainsi que ses violents affrontements avec des groupes locaux. PPS était aussi accusée d’avoir, avec la complicité des autorités et de l’armée, saisi les terres et détruit les maisons de 681 familles de la province de Kampong Spoe dans le sud-ouest du pays.

Une plainte avait été déposée en 2014 auprès du Point de contact national australien (PCN) par deux ONG (Equitable Cambodia et Inclusive Development International). En 2018, le PCN avait rédigé un rapport dans lequel il émettait un « doute » sur la concordance entre l’approche officielle de la banque sur la question des droits humains et ses pratiques commerciales réelles. En février 2020, ANZ a rencontré les familles cambodgiennes. Elle a reconnu que son niveau de diligence raisonnable préalable à l’octroi du prêt par sa filiale (dont elle a vendu sa participation de 55 % en mai 2018) avait été insuffisant et que ses efforts pour faire pression sur la société sucrière afin de compenser ces violations des droits de l’Homme avaient échoué. Le 27 février, ANZ a annoncé qu’elle acceptait d’indemniser près de 1 200 familles cambodgiennes déplacées de force. Le montant des indemnités n’a pas été dévoilé, mais il est considéré comme significatif par les associations impliquées. Ces dernières pensent également que ce cas pourrait faire jurisprudence et modifier l’attitude des banques en termes de responsabilité, en particulier dans le domaine de l’appropriation des terres, qui reste une pratique courante au Cambodge (voir IE).