Encouragée par son sursaut démocratique, la Corée du Sud engage les débats parlementaires sur un plan de vigilance obligatoire pour les entreprises

Des avancées majeures en matière de responsabilité élargie des entreprises sont en train d’être revues à la baisse, en particulier en Europe avec la proposition de directive omnibus qui réduit l’ambition de la zone concernant son devoir de vigilance (CS3D). À l’inverse, le 27 mai 2025, une initiative pour des multinationales responsables a été déposée à la Chancellerie fédérale de la Confédération helvétique. Le 29 novembre 2020, le peuple suisse avait déjà voté sur un projet de même nature. Celui-ci avait recueilli une faible majorité du suffrage populaire (50,7 %) mais avait été rejeté par une grande partie des cantons. En conséquence, c’est le contre-projet indirect élaboré par le Parlement (beaucoup moins exigeant) qui avait été retenu.

Plus inattendue sur ce thème, la Corée du Sud s’est distinguée le 13 juin dernier. Le député du Parti démocrate Jung Tae-ho a, en effet, présenté à l’Assemblée nationale un projet de loi sur la protection des droits de l’Homme et de l’environnement pour une gestion durable des entreprises. Le Parti démocrate détient la majorité des sièges. Introduit une première fois en septembre 2023 dans un contexte de crise politique ayant conduit à la destitution récente du président de la République, ce projet n’a jamais abouti. Il a été réécrit avant d’être à nouveau proposé.

Les entreprises de plus de 500 salariés ou dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 200 milliards de wons (environ 130 millions d’euros) devront instaurer une politique de diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement dans leurs chaînes d’approvisionnement. La chaîne d’approvisionnement est prise au sens large (de l’approvisionnement en matières premières à la consommation finale), elle couvre les relations commerciales directes et indirectes, et ce à l’échelle mondiale. Les entreprises devront : se doter de politiques relatives aux droits de l’Homme et à l’environnement ; réaliser des évaluations d’impact sur les droits humains ; élaborer et mettre en œuvre des plans d’action pour faire face aux impacts négatifs, potentiels et réels ; rendre publics les plans mis en place ainsi que les résultats observés ; instaurer des mécanismes de réclamation accessibles à toutes parties prenantes.

Les entreprises qui ne respecteront pas leurs obligations pourront être tenues pour responsables des dommages entrant dans le champ couvert par la loi et devront corriger leurs dispositifs. Celles qui ne procéderont pas à des actions correctives seront passibles de sanctions pénales. Les parties prenantes devront être associées tout au long du processus. Elles auront aussi le droit de demander l’accès aux informations liées à la diligence raisonnable.

Il s’agit de la première initiative législative centrée sur les droits humains et l’environnement prise sous la présidence de Lee Jae-myung, élu le 3 juin 2025. Celui-ci a mis l’accent sur le rétablissement de la démocratie et des droits de l’Homme en Corée du Sud, après la destitution du précédent président de la République, Yoon Seok-yeol, validée par la Cour constitutionnelle le 4 avril 2025. Cette décision a fait suite aux dérives autocratiques de ce dernier et à sa tentative de coup d’État du 3 décembre 2024.

Il s’agit aussi du premier projet de loi de ce type en Asie. Mais il n’en est qu’au début du processus législatif. Il doit encore être examiné en commission et, comme le projet initial, il pourrait ne pas être adopté ou faire l’objet d’importantes modifications. La Thaïlande a également exprimé son intention d’adopter une loi sur la diligence raisonnable en matière de droits de l’Homme, mais aucun projet n’est attendu avant fin 2025, voire plus tard.