Une action juridique au Kenya demande que Meta mette en place deux fonds d’un montant de 2 milliards de livres sterling pour indemniser les victimes des messages de haine au Tigré

Les frais juridiques de Meta sont en constante progression et constituent désormais un poste de dépense significatif. Les actions en justice engagées à l’encontre du groupe pour violation des lois antitrust ou la protection des données personnelles pèsent de plus en plus lourd sur son compte de résultat. Les poursuites menées sur le terrain des droits humains pourraient encore alourdir ces coûts.

Le 13 décembre 2022, une plainte a été déposée contre Meta devant la Haute Cour du Kenya. Les plaignants accusent l’entreprise et sa plate-forme Facebook d’avoir laissé prospérer les messages de haine dans un contexte de guerre civile qui a enflammé la région du Tigré (Éthiopie), et qui a entraîné la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes, selon les estimations de Jan Nyssen de l’université de Gand. Plusieurs analyses montrent la faible réactivité de la plate-forme pour supprimer ces messages, et ce, malgré les engagements de la société.

L’action lancée en décembre fait notamment référence à une enquête menée par The Observer et le Bureau of Investigative Journalism, et publiée en février 2022. Celle-ci révèle par exemple que le message d’un influenceur local appelant à « nettoyer » la zone des partisans des forces tigréennes est resté en ligne 4 mois après qu’il a été signalé à l’entreprise. La famille d’un bijoutier tigréen enlevé en décembre 2021 pense que ce message, ainsi que d’autres qui lui étaient similaires, ont entraîné de nombreuses attaques contre des Tigréens à Gondar, une ville de la région d’Amhara.

L’un des plaignants, Abrham Meareg, affirme de son côté que son père, un universitaire éthiopien, avait été la cible de messages racistes avant son assassinat en novembre 2021. Facebook n’avait pas supprimé les publications malgré les plaintes. Pour Abrham Meareg, si le réseau social avait arrêté la propagation de la haine et modéré correctement les messages, son père serait toujours en vie. Selon Flavia Mwangovya, directrice adjointe pour l’Afrique de l’Est, la Corne de l’Afrique et la région des Grands Lacs à Amnesty International, « la diffusion de contenus dangereux sur Facebook est au cœur de la recherche de profit de Meta, car ses systèmes sont conçus pour maintenir l’engagement des gens […]. Cette action en justice est une étape importante pour obliger Meta à rendre compte de son modèle commercial nuisible. »

La plainte demande notamment au groupe de mettre en place deux fonds pour les victimes de contenus haineux et de messages sponsorisés contenant de la haine, pour un montant d’environ 2 milliards de livres sterling ; de modifier ses algorithmes et ses pratiques de modération pour stopper la diffusion de contenus incitant à la haine ; et de prendre des mesures pour s’assurer que l’entreprise n’est pas moins-disante en Afrique qu’ailleurs dans le monde pour lutter contre les discours de haine et l’incitation à la violence.

Pour mémoire, en décembre 2021, un recours collectif a été engagé contre Meta aux États-Unis par des réfugiés Rohingyas pour avoir contribué à propager un discours de haine à leur encontre en Birmanie. Début 2022, des associations ont accusé Facebook de bloquer la sortie d’un rapport sur son impact sur les droits humains en Inde. En février 2022, des avocats ont élaboré un document pour aider les victimes yézidies de Daesh à mener des actions juridiques contre les principaux réseaux sociaux. Il se pourrait que celles à l’encontre de Meta pour violation des droits humains se multiplient dans les années à venir.