Des réfugiés Rohingyas portent plainte contre Meta (Facebook) pour avoir contribué à propager le discours de haine à leur encontre en Birmanie

Les Rohingyas sont un groupe ethnique surtout présent en Birmanie (Myanmar) et majoritairement musulman. Ils font régulièrement l’objet de persécutions de la part du reste de la population, essentiellement bouddhiste, et de l’armée birmane. Cette violence a redoublé en 2017 et a causé l’exode de centaines de milliers de personnes dans l’État voisin du Bangladesh. En août 2018, un rapport de l’ONU a réclamé que les principaux généraux de l’armée birmane (Tatmadaw) soient confrontés à la justice internationale pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité à l’égard des Rohingyas. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estime aujourd’hui que les Rohingyas sont plus d’un million à avoir trouvé refuge au Bangladesh, où ils sont pour la plupart regroupés dans des camps.

Le 6 décembre 2021, les cabinets d’avocats Edelson PC et Fields PLLC ont déposé une plainte en recours collectif (class-action) au nom de réfugiés Rohingyas contre la société Meta Platforms, Inc. (anciennement Facebook, Inc.) auprès du tribunal du comté de San Mateo (Californie). Ils réclament cent cinquante milliards de dollars à la compagnie pour ne pas avoir pris de mesures contre les discours de haine anti-Rohingyas qui ont contribué à la violence contre cette population.

En 2018, les enquêteurs des Nations Unies sur les droits humains ont affirmé que Facebook avait joué un rôle clé dans la propagation des discours de haine qui ont alimenté la violence. La même année, une enquête menée par Reuters avait relevé plus de mille exemples de publications, de commentaires et d’images attaquant les Rohingyas et la communauté musulmane sur Facebook. Presque tous les messages étaient rédigés en birman, et les invectives traitaient les Rohingyas et les autres musulmans de chiens, d’asticots et de violeurs. Certaines suggéraient même qu’ils soient servis comme nourriture aux porcs et appelaient à leur exécution ou à leur extermination.

Un porte-parole de Meta a précisé que le groupe avait constitué une équipe de locuteurs birmans, interdit le Tatmadaw sur les réseaux, perturbé les réseaux manipulant le débat public, pris des mesures contre la désinformation et investi dans la technologie en langue birmane pour réduire la prévalence des contenus non conformes. Le groupe Meta a également déclaré que la loi étatsunienne sur Internet, connue sous le nom de Section 230, le préservait de toute responsabilité concernant les contenus publiés par ses utilisateurs.

Dans leur plainte, les requérants indiquent qu’ils pourraient se référer à la loi birmane si l’article 230 était invoqué comme moyen de défense. Mais, bien que les tribunaux américains puissent appliquer le droit étranger lorsque les préjudices présumés ont eu lieu dans d’autres pays, les experts s’accordent à dire qu’il est peu probable que cette voie puisse être couronnée de succès. Toutefois, cette action est aujourd’hui renforcée par les accusations de la lanceuse d’alerte Frances Haugen qui, en septembre dernier, reprochait à Facebook de privilégier son profit au détriment de la sécurité des données de ses utilisateurs et de l’éthique. Dans le contexte actuel, nul ne sait réellement vers où peut conduire ce type de litige.