Le 29 mai 2020, un projet de résolution externe portant sur les engagements climatiques de Total déposé par une coalition d’investisseurs et non soutenu par le conseil d’administration du groupe avait provoqué une belle bataille de mandats (proxy fights) à l’occasion des votes (IE n° 323). Pour ce qui était, sans doute, une première en France, la résolution a recueilli 16,8 % des suffrages exprimés. Lorsque l’on ajoute les abstentions, ce sont 26,1 % des voix qui n’avaient pas adhéré à la recommandation de rejet de cette résolution formulée par le conseil. Ces résultats montraient, en même temps, la diversité des avis des investisseurs sur la politique climatique de la compagnie.
Cette année, le groupe a annoncé qu’il allait présenter au vote des actionnaires trois résolutions sur la transition énergétique : changement de nom du groupe en TotalEnergies SE, ambition en matière de développement durable et de transition énergétique (mais à titre consultatif uniquement), et intégration d’un critère lié à la baisse des émissions de scope 3 en Europe pour le calcul de la rémunération variable des dirigeants. Cette annonce n’a pas apaisé les associations écologistes comme Greenpeace et Reclaim Finance, qui ont publié un rapport baptisé « Total fait du sale : la finance complice ? » Rapport auquel Total a répondu le 22 mars. À son tour, l’ONG Reclaim Finance a immédiatement répliqué en appelant les actionnaires à déposer leur propre résolution. Mais, peut-être échaudé par l’expérience de 2020, le pétrolier a déjà prévenu que, contrairement à l’année dernière, il ne validerait pas l’inscription d’un tel projet. Or, en France, le flou juridique qui encadre ce type d’initiative accorde une grande marge de manœuvre aux entreprises cibles pour rejeter les résolutions externes. Quoi qu’il en soit, les résultats des votes lors de la prochaine assemblée seront un bon indicateur de la vitalité du mouvement naissant des batailles de mandats à la française sur les questions sociales et environnementales.