L’engagement actionnarial sur la question climatique pourrait décoller en France

Le 12 mars 2020, le fonds d’investissement TCI Fund Management Limited (fondé et détenu par le milliardaire britannique Christopher Hohn), représentant le Children’s Investment Master Fund et la Talos Capital Designated Activity Company, a demandé au conseil d’administration de Vinci l’inscription de deux projets de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale du groupe français. Ces projets concernaient la politique climatique de Vinci. Le premier projet demandait que l’entreprise publie chaque année des informations sur ses objectifs en termes de réduction des émissions de GES, l’évolution de l’intensité de ses émissions de carbone, la corrélation entre ses objectifs en termes de rejets de GES et la rémunération des dirigeants, la cohérence des nouveaux investissements significatifs avec les « Objectifs de transition climatique ». Le deuxième réclamait la soumission au vote des actionnaires, chaque année, de l’approbation à titre consultatif de l’approche des questions climatiques par le groupe.

Dans une lettre, datée du 17 mars, le président du conseil d’administration de Vinci (Xavier Huillard) a rejeté la demande d’inscription : « C’est au conseil d’administration de veiller à ce que l’entreprise qu’il administre soit dans toutes ses composantes sur une bonne trajectoire […] Dès lors, il n’apparaît ni conforme à la loi et à la pratique ni opportun de présenter vos demandes de résolutions en ce qu’elles visent à modifier substantiellement la répartition des attributions respectivement dévolues par la loi au conseil et aux assemblées ». Pour Xavier Huillard, seul le conseil d’administration est habilité à arrêter la stratégie et la conduite de la communication de l’entreprise (première résolution) et à arrêter l’ordre du jour des assemblées générales futures. L’assemblée générale, initialement prévue le 9 avril, a été repoussée à une date ultérieure, pour l’heure, non fixée.

C’est pour éviter que le conseil d’administration de Total n’ait recours à ce type d’argument qu’un groupement de onze investisseurs a décidé de soumettre au vote des actionnaires une modification des statuts du groupe pétrolier lors de sa prochaine assemblée le 29 mai prochain. Comme nous l’indiquions dans la lettre du 5 février (IE n° 316), le projet de résolution demande à l’entreprise de préciser, dans son rapport de gestion, sa stratégie pour aligner ses activités avec les objectifs de l’accord de Paris, son plan d’action, ses objectifs de réduction – en valeur absolue, à moyen et long terme – des émissions directes ou indirectes de gaz à effet de serre (scopes 1, 2 et 3), les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs. Ayant réuni 1,35 % du capital de Total, le groupe d’investisseurs a déposé son projet le 14 avril. A ce jour, le conseil d’administration de Total n’a pas publié son avis. Il n’est pas impossible que l’entreprise se laisse jusqu’à la dernière minute (c’est-à-dire le 27 mai) pour examiner la résolution.

Ce type d’initiative reste rare en France, car les conditions sont difficiles à réunir. Aussi, dans un communiqué du 15 avril, le FIR (Forum pour l’investissement responsable) a-t-il publié des propositions pour promouvoir la « délibération démocratique » en entreprise et faciliter le dépôt de projets de résolution en assemblée générale sur les questions sociales et environnementales : possibilité pour une coalition de cent actionnaires de proposer collectivement des projets de résolution, arbitrage par le régulateur de la recevabilité des résolutions proposées par des actionnaires si l’entreprise s’oppose à leur inscription à l’ordre du jour, simplification générale des procédures liées au dépôt des résolutions.