Les Nations unies s’invitent dans les affaires judiciaires touchant des acteurs économiques

Avec 104 questions écrites posées par six actionnaires, l’assemblée générale de Total a été, parmi celles du CAC 40, la plus « choyée » par les actionnaires engagés. Un document de 54 pages rédigé par le groupe compile les réponses à ces questions. Parmi ces actionnaires, l’association Les Amis de la Terre France a attiré l’attention des investisseurs sur la participation du groupe pétrolier au projet Mozambique LNG, dont Total est opérateur depuis le rachat des actifs d’Anadarko en 2019. Huit questions ont été posées par l’ONG sur la déstabilisation de la région de Cabo Delgado – déjà en proie à de vives violences – et les relations de l’entreprise avec les forces de sécurité, sur les impacts du projet sur les communautés, le climat et l’environnement, sur la corruption dans le pays et ses effets sur le partage de la valeur. L’association est aux prises avec la supermajor pétrolière sur un autre dossier depuis qu’elle a saisi, en octobre 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre au sujet de l’insuffisance du plan de vigilance relatif aux opérations de Total en Ouganda (voir IE).

Dans cette affaire, quatre rapporteurs spéciaux de l’ONU ont adressé récemment un courrier à la compagnie, ainsi qu’à sa filiale ougandaise et aux autorités du pays, courrier dans lequel ils expriment leur préoccupation au sujet des actes de harcèlement et d’intimidation commis à l’encontre de deux représentants des communautés locales à la suite de leur présence à l’audience au tribunal de Nanterre (voir aussi la réponse de Total). Ils demandent également aux autorités françaises de leur indiquer les mesures adoptées par le gouvernement français pour s’assurer du respect par Total de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. L’organe onusien semble vouloir s’impliquer davantage dans le champ des agissements des acteurs économiques. Ainsi, en Afrique du Sud, David Boyd, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’Homme et l’environnement (déjà partie prenante dans l’intervention évoquée ci-avant), a demandé aux juges de la Haute Cour de justice de l’autoriser à soumettre des preuves dans un procès intenté contre le gouvernement sud-africain sur son échec dans la lutte contre la pollution atmosphérique liée à la combustion de charbon. Ce procès fait suite à une plainte déposée l’an dernier par les associations écologistes groundWork et Vukani Environmental Justice Movement in Action pour essayer d’améliorer la qualité de l’air dans la zone prioritaire du Highveld (qui recouvre une grande partie de la province du Mpumalanga), où se trouvent une douzaine de centrales au charbon gérées par la société d’Etat Eskom, ainsi que des usines exploitées par la société pétrochimique Sasol (qui produit du combustible liquide à partir du charbon). Le 29 octobre, l’association Greenpeace avait publié une analyse de données satellites montrant que le Mpumalanga était la région du monde la plus polluée par le dioxyde d’azote (IE n° 290).