Nous hésitons à adresser nos vœux, tant le contexte est préoccupant au plan international et semble inextricable, voire anxiogène, pour un très grand nombre de personnes. Pourtant, la pression sur les instances politiques et les acteurs économiques pour une meilleure prise en compte des facteurs sociétaux continue de s’accroître, y compris devant les tribunaux. Tout cela porte-t-il des fruits ? Oui, il y a des avancées, même si elles ne sont pas toujours aussi rapides que les enjeux l’exigent. Voici donc un petit florilège de bonnes nouvelles trouvées dans la lettre Impact Entreprises en 2021.
Au registre du respect des libertés individuelles, une initiative citoyenne européenne a été lancée pour interdire les pratiques biométriques de surveillance de masse, et une proposition de règlement européen sur l’intelligence artificielle a vu le jour. Des investisseurs ont interpellé des sociétés pour une utilisation éthique de la reconnaissance faciale. On a également assisté à une augmentation des actions juridiques menées contre les réseaux sociaux pour ne pas avoir mis en place les mesures adéquates afin de lutter contre les discours haineux ou les violations de la vie privée.
Les amendes se multiplient à l’encontre des groupes de l’économie numérique et de la nouvelle économie. L’année 2021 a aussi vu l’implantation du premier syndicat chez Google. En Espagne, les livreurs de repas sont désormais considérés comme des salariés, et la ville de New York a voté une loi pour améliorer les conditions de travail des coursiers.
Les sociétés pétrolières font l’objet de fortes pressions. La justice néerlandaise a jugé la filiale nigériane de Shell responsable des fuites d’oléoduc dans le delta du Niger et a, par ailleurs, contraint la compagnie à diminuer ses émissions de GES. On a assisté à une offensive des investisseurs dans les assemblées générales des pétroliers américains pour qu’ils réduisent leurs émissions de GES. Les banques européennes prennent leurs distances avec le financement des projets pétrogaziers controversés (Ouganda, Artic LNG2). TotalEnergies n’a pas renouvelé son adhésion à l’American Petroleum Institute, et un accord a été signé entre la direction d’ENI et les syndicats pour une transition juste.
Malgré notamment la résistance de l’Inde, le charbon semble être en perte de vitesse. La Chine, le Japon et la Corée du Sud ont renoncé à financer les centrales à charbon à l’étranger, et le Bangladesh a réaffirmé son souhait d’abandonner ce combustible.
Les institutions financières ne sont pas en reste, même si la dernière mouture de la taxonomie européenne a quelque peu refroidi l’enthousiasme. La SEC étatsunienne envisage la divulgation obligatoire d’informations extrafinancières, la Bourse de Singapour va exiger des informations sur le climat de la part des sociétés cotées, la Nouvelle-Zélande demande aux grandes entreprises de publier des informations liées au climat. Même la Banque centrale russe a conseillé aux entreprises de révéler leurs programmes ESG.
Chaîne d’approvisionnement. L’Union européenne tarde à finaliser le dossier du devoir de vigilance. Mais l’Allemagne a voté une loi dans ce sens, et les Pays-Bas poussent l’Union à avancer sur le sujet en voulant légiférer à son tour. De grands groupes commencent à associer leur chaîne d’approvisionnement à la lutte contre le changement climatique, acceptent de compléter les pertes de salaires des travailleurs migrants de leurs sous-traitants thaïlandais ou s’engagent (à moyen terme) à garantir un salaire décent au sein de leur chaîne d’approvisionnement. Certaines entreprises s’impliquent aussi pour faire respecter la liberté syndicale chez leurs sous-traitants. Les investisseurs se sont eux-mêmes engagés en faisant pression sur Amazon (sans succès toutefois) pour faire respecter la liberté syndicale.
Dans un contexte politique incertain, le résultat des élections dans certains pays a ouvert des perspectives écologiques. C’est le cas de l’Allemagne, où la nouvelle coalition pourrait apporter de bonnes surprises, ou du Chili, qui veut contrôler les activités minières, tout comme son voisin péruvien. Au Groenland, un parti contre l’exploitation minière a remporté les élections législatives et renoncé à l’exploration pétrolière et gazière en mer. L’élevage de saumons a été prohibé en Terre de Feu argentine. Malgré un lancement difficile, le plan Biden pourrait donner un coup d’accélérateur aux solutions écologiques aux États-Unis et dans le monde. L’Europe a rédigé une proposition législative (certes imparfaite) sur la déforestation importée. Dans sa grande majorité et soutenue par de grandes entreprises, la communauté internationale a appelé à un moratoire sur l’exploitation minière en haute mer. Les tribunaux prêtent une oreille de plus en plus conciliante aux requêtes citoyennes, y compris en Indonésie où le gouvernement a été déclaré responsable de la mauvaise qualité de l’air à Jakarta…
Alors, bonne année 2022 !