L’obligation pour les travailleurs de réaliser des quotas est souvent source de violation de leurs droits sociaux élémentaires. En fonction des législations et/ou des « pratiques » locales, cette méthode donne à l’employeur la faculté d’augmenter arbitrairement le temps de travail ou de diminuer la rémunération sous prétexte que les quotas imposés n’ont pas été atteints. Cela génère des horaires excessifs, très au-delà des limites légales, et des salaires indignes. Cela peut également conduire à d’autres conditions de travail inacceptables. L’explosion du e-commerce, accentuée par la crise sanitaire, a mis en évidence les abus, en particulier (mais pas uniquement) dans les entrepôts.
Une étude du Strategic Organizing Center, datée du 1er juin 2021 (IE n° 347), a ainsi montré que le taux d’accidentologie dans les centres logistiques d’Amazon aux États-Unis était plus de 50 % supérieur à ceux des entrepôts des autres sociétés. Mais les griefs formulés à l’égard du géant du commerce en ligne ne s’arrêtent pas là. Pour répondre aux exigences de livraison rapide, les salariés de ces centres de distribution sont chronométrés. Leur productivité peut être suivie avec précision grâce aux progrès technologiques fondés sur de simples algorithmes. Ils s’exposent à des sanctions qui peuvent aller jusqu’au licenciement s’ils n’atteignent pas leur quota. Cela les conduit fréquemment à sauter les pauses, y compris pour se rendre aux toilettes, et à prendre des risques menaçant leur intégrité physique. Ces employés sont également confrontés à de nombreux obstacles pour documenter et signaler les violations du Code du travail.
Face à cette situation, la Californie a introduit, le 16 février dernier, un projet de loi (AB-701). Ce projet a été définitivement adopté par le Sénat de l’État le 8 septembre après une farouche opposition des milieux patronaux concernés. Il doit encore faire l’objet d’un vote définitif par l’assemblée et recueillir la signature du gouverneur Gavin Newson. Quand elle sera en vigueur, la loi obligera les propriétaires d’entrepôts à indiquer précisément les quotas de productivité auxquels est soumis chaque salarié. Elle interdira tout quota qui les empêche de prendre les pauses autorisées par la loi ou d’utiliser les toilettes, ou qui retire à l’employeur la possibilité de se conformer aux lois sur la santé et la sécurité au travail.