TotalEnergies est déclaré coupable de pratiques commerciales trompeuses par la 34e chambre du Tribunal judiciaire de Paris

En juillet 2021, Impact Entreprises faisait le constat que la publicité et la communication trompeuses constituaient de nouvelles armes utilisées par les ONG contre les sociétés énergétiques. Cela s’observe dans plusieurs pays : aux États-Unis, aux Pays-Bas, en Italie, au Royaume-Uni, en Australie, et même en Afrique du Sud et en Corée du Sud. En France, le 2 mars 2022, trois associations (Greenpeace France, Les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous) ont assigné le groupe TotalEnergies et sa filiale TotalEnergies Électricité et Gaz France en justice pour pratiques commerciales trompeuses. Pour les ONG, les publicités des sociétés assignées « donnent la fausse impression que le géant pétrogazier peut atteindre la “neutralité carbone d’ici 2050” tout en prévoyant de produire, promouvoir et vendre plus d’énergies fossiles ».

Le Tribunal judiciaire de Paris (34e chambre) a rendu son jugement le 23 octobre 2025. Dans sa décision, il précise que « les sociétés TotalEnergies et TotalEnergies Électricité et Gaz France ont commis des pratiques commerciales trompeuses, en diffusant, à partir du site www.totalenergies.fr, des messages reposant sur les allégations portant sur leur “ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050” et “d’être un acteur majeur de la transition énergétique” de nature à induire en erreur le consommateur, sur la portée des engagements environnementaux du Groupe ».

Le tribunal constate que plusieurs messages délivrés par l’entreprise lors de son changement de nom en 2021 relevaient « bien d’une communication en relation directe avec la promotion ou la vente de biens et services ». Il ajoute qu’en « se référant en 2021, dans ses communications commerciales, à la double ambition d’atteindre la neutralité carbone au sens de l’accord de Paris, et d’être un acteur majeur de la transition énergétique, sans préciser aux consommateurs qu’il avait son propre scénario, dont il n’appartient pas au tribunal d’évaluer la véracité, consistant notamment à rendre compatible avec son ambition de neutralité carbone, la poursuite de ses investissements dans le pétrole et le gaz, à rebours des préconisations des travaux scientifiques alignés sur l’accord de Paris, le groupe TotalEnergies a délibérément fait état d’une allégation environnementale de nature à induire en erreur le consommateur, en lui laissant croire, qu’en achetant ses produits ou ses services, il participait à l’émergence d’une économie à faible intensité carbone, en suivant les recommandations de la communauté scientifique, fondées sur l’accord de Paris ».

En revanche, la présidente n’a pas donné raison aux défenderesses qui qualifiaient de pratiques commerciales trompeuses les allégations de l’entreprise selon lesquelles « le gaz fossile serait une énergie “bon marché”, “la moins émettrice” ainsi qu’un “complément indispensable des énergies renouvelables” » et que les « agro-carburants permettraient “une réduction d’au moins 50 % des émissions de CO2 par rapport à leurs équivalents fossiles” voire “90 %” ». Le tribunal estime que les messages incriminés « ne sont pas en relation directe avec la vente ou la fourniture des énergies de la société TE aux consommateurs ». Ils ne peuvent donc pas avoir induit en erreur les consommateurs.

Le tribunal ne s’est pas prononcé sur le fond ni sur la véracité du scénario climatique adopté par TotalEnergies. Il a souligné que lorsque ses messages s’adressaient aux consommateurs, ses omissions et ses allégations équivoques ou lacunaires conduisaient à des conclusions trompeuses pour ces derniers. Ce jugement enrichit une tendance qui se développe à travers le monde, qui devrait se poursuivre et inciter les entreprises à ajuster leur communication et, le cas échéant, leurs politiques à la réalité et aux enjeux. Il est aussi susceptible d’être utilisé dans d’autres actions.