Depuis quelques années, un litige oppose l’Union européenne et le Royaume-Uni concernant le traitement des eaux usées outre-Manche. Dans ce pays, les eaux de pluie et les eaux usées sont transportées dans les mêmes canalisations. En conséquence, en cas de très fortes précipitations, le réseau est saturé, et les autorités acceptent que les eaux usées soient temporairement déversées dans les rivières alentour et dans la mer. Cette situation souille les plages et pose de sérieux problèmes sanitaires de chaque côté de la Manche.
Mais selon un article du journal The Guardian du 20 avril 2024, le scandale serait encore plus grave que cela. En effet, à la suite d’une enquête que le quotidien britannique a menée avec l’organisation Watershed Investigations, il semblerait que des usines de traitement détourneraient sciemment des eaux usées des circuits d’épuration pour les rejeter directement dans les cours d’eau.
Quatre lanceurs d’alerte expliquent que ce phénomène est généralisé en Grande-Bretagne et qu’il est connu par de nombreux collaborateurs des installations ainsi que par les autorités. Légalement, toutes les usines d’épuration doivent traiter une quantité minimale d’eaux usées, selon ce qui est stipulé dans leurs contrats. Mais il est fréquent que les systèmes d’épuration soient manipulés et que des volumes d’eau entrants soient versés dans la nature plutôt qu’orientés vers les ouvrages. L’un des lanceurs d’alerte affirme que la quantité d’eaux usées directement dirigée dans l’environnement peut aller jusqu’à 30 % du volume total. Cela donne aux entreprises la possibilité de prétendre que la proportion d’effluents traités est supérieure à ce qu’elle est en réalité.
Les lanceurs d’alerte expliquent que cette situation est due au fait que les capacités des installations sont sous-dimensionnées et n’ont pas été adaptées à la croissance démographique ni à l’évolution des conditions météorologiques. Déverser les flux entrants dans les rivières permet aux entreprises d’économiser des sommes considérables, qu’elles devraient dépenser pour rénover leurs actifs et augmenter leurs capacités de traitement. Cela étant, les principales sociétés du secteur en Angleterre et au Pays de Galles ont annoncé en début d’année qu’elles dépenseraient plus de 14,4 milliards de livres sterling (environ 17 milliards d’euros) pour construire 10 nouveaux réservoirs et remettre en état plus de 2 000 kilomètres de canalisations. Mieux vaut tard que jamais…