Avec la montée en puissance des besoins en batteries, le lithium fait désormais partie des minerais stratégiques et fait l’objet de toutes les convoitises. Mais l’exploitation de ce nouvel or blanc n’est pas sans susciter de vives réactions de la part des mouvements écologistes, et plus largement des populations auprès de qui les projets sont envisagés. L’annonce du lancement du projet EMILI dans l’Allier par le groupe minier Imerys il y a quelques mois en est un parfait exemple. L’entreprise prévoit de produire une quantité de minerai suffisante pour alimenter 700 000 véhicules dès 2028. Malgré ses propos rassurants, notamment sur le fait qu’il s’agira d’une mine sous-terraine, l’inquiétude est palpable.
Imerys a l’ambition d’être le leader européen du lithium. Le 29 juin 2023, elle a annoncé un partenariat avec le Britannique British Lithium pour exploiter une mine dans les Cornouailles britanniques, dans la région de St Austell. L’entreprise détient 80 % de la joint-venture. L’objectif est de fournir 500 000 voitures électriques par an d’ici la fin de la décennie. Les Cornouailles britanniques ont un passé minier prestigieux, mais révolu. Et là aussi, les riverains sont soucieux. Ce passé a en particulier légué à la région des centaines de kilomètres de rivières parmi les plus polluées du pays et des friches qui n’ont jamais été nettoyées.
La dimension stratégique de ce métal et les inquiétudes qu’il éveille poussent les entreprises à faire preuve de prudence et à essayer d’offrir le maximum de garanties aux riverains et aux organisations de défense de l’environnement. Mais l’intérêt suscité par le minerai conduit aussi certaines autorités à utiliser des méthodes très « persuasives » pour promouvoir l’exploitation des gisements de lithium. C’est le cas de Gerardo Morales, le gouverneur de la province de Jujuy, en Argentine. Le 20 juin 2023, celui-ci a fait approuver une réforme de la Constitution régionale. Dans sa nouvelle mouture, la Constitution de la province limite notamment les droits de réunion, de manifestation et de grève. De plus, elle omet la nécessité de consultation des peuples autochtones pour diverses questions qui les concernent directement. Elle accorde aussi aux autorités le pouvoir d’expulser les communautés de leurs terres en leur attribuant d’autres parcelles.
Cette réforme a déclenché, depuis le début du mois de juin, de nombreuses protestations chez les communautés paysannes et autochtones, mais également une implacable répression de la part de la police. Le 29 juin, celle-ci a effectué une descente au domicile de la dirigeante indigène Milagro Sala, assignée à résidence depuis janvier 2016. Pour le moment, les activités d’Imerys en Argentine n’englobent pas le lithium. À l’inverse, Eramet, une autre société française, est présente dans le pays, mais pas dans la province de Jujuy. Ces actifs sont situés dans la province voisine de Salta. La production de lithium devrait commencer début 2024. Le groupe a affiché à plusieurs reprises son intérêt pour le développement d’autres projets dans le « triangle du lithium », qui couvre certaines parties de l’Argentine, de la Bolivie et du Chili.