La République démocratique du Congo croit encore dans les hydrocarbures, menaçant ainsi ses forêts, ses parcs nationaux et ses tourbières

Le 19 juillet 2022, le ministre des Hydrocarbures de la République démocratique du Congo (RDC), Didier Budimbu, a déclaré que son pays allait élargir une vente aux enchères de blocs d’exploration pétrolière et gazière en incluant deux sites qui empiètent sur le parc national des Virunga. Ce parc, qui abrite les derniers gorilles de montagne, est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais il fait aussi l’objet de convoitise depuis de nombreuses années de la part des compagnies pétrolières. Les ventes prévues comprenaient déjà des permis dans les tourbières tropicales de la Cuvette Centrale – les plus étendues du monde – qui stockent l’équivalent de trois années d’émissions mondiales d’énergies fossiles.

La RDC produit près de 25 000 barils de pétrole brut par jour le long de sa côte atlantique. Les ambitions du gouvernement de produire du pétrole à l’intérieur du pays ont, jusqu’ici, été contrariées par la pression des défenseurs de l’environnement, la corruption et l’absence de débouchés pour les exportations. Ce contexte participe à l’incertitude quant au nombre de compagnies qui envisagent de prendre part aux enchères. Le Français TotalEnergies et l’Italien Eni, qui ont déjà des projets en Afrique, ont tous deux déclaré qu’ils ne soumissionneraient pas.

Le bassin du Congo est considéré comme la seule grande forêt tropicale qui absorbe plus de carbone qu’elle n’en émet. L’ouverture de cette zone au développement pétrolier conduira à la chasse, à la déforestation, à la pollution par les hydrocarbures, aux émissions de carbone et aux conflits sociaux. Les organisations environnementales ont exhorté les principales sociétés pétrogazières à ne pas participer aux enchères. Elles ont aussi demandé au président Félix Tshisekedi d’annuler la vente.

Lors de la COP26, le président congolais avait pourtant signé un accord de 500 millions de dollars avec le Premier ministre britannique Boris Johnson pour protéger la forêt. Mais, pour Didier Budimbu, les revenus des projets pétroliers et gaziers sont nécessaires pour préserver la forêt du bassin du Congo et développer économiquement le pays. À la suite d’un documentaire diffusé en 2014 par Netflix, l’exploration des hydrocarbures dans les Virunga avait été stoppée. Didier Budimbu a déclaré dans les médias que, cette fois-ci, la RDC ne pourrait pas être arrêtée. Les candidats ont jusqu’au mois de février pour soumettre leurs propositions.

Le 14 août, Didier Budimbu a aussi annoncé au Financial Times qu’il accepterait les offres des start-up intervenant sur le marché du carbone. Ces sociétés proposent de renoncer au pétrole et au gaz, et de se rémunérer en vendant des crédits carbone. Flowcarbon, créée cette année par le cofondateur de WeWork, Adam Neumann, fait partie de ces entreprises qui ont manifesté leur intérêt. Elle a ainsi accordé des ressources à RedemptionDAO afin d’acheter au moins un des blocs en partenariat avec une compagnie pétrolière ou via un financement participatif, et de s’en servir pour émettre des crédits carbone « d’émissions évitées ».

Cependant, il n’existe pour l’heure aucune méthodologie officielle qui permette de mettre sur le marché des crédits d’exploration pétrogazière évitée. L’idée d’utiliser les crédits de cette manière a été expérimentée pour la première fois en 2007. Le président équatorien de l’époque, Rafael Correa, avait proposé à la communauté internationale de dédommager le pays pour ne pas forer dans le parc national Yasuni. Mais les premiers forages ont finalement eu lieu en 2016, alors qu’une petite partie seulement des 3,6 milliards de dollars escomptés avait été collectée. Le besoin des multinationales de compenser leurs émissions et d’atteindre la neutralité carbone pourrait rendre ce type de produit plus viable. Toutefois, il n’est pas certain que l’argumentaire consistant à demander à être payé pour ne pas polluer recueille l’adhésion des défenseurs de l’environnement.