Siemens chahuté par son implication dans le projet charbonnier Adani

Comme prévu, l’assemblée générale de Siemens, qui s’est déroulée le 5 février, a donné lieu à un « rendez-vous climatique » international (IE n° 315). Depuis quelques semaines, l’entreprise allemande – qui a signé en décembre dernier un contrat pour la fourniture d’un système de signalisation ferroviaire de 18 millions de dollars au projet de mine de charbon controversé Adani Carmichael (Queensland, Australie) – faisait l’objet de critiques nourries de la part des organisations environnementales. Désapprouvant l’implication de l’entreprise dans des projets hasardeux d’un point de vue climatique, de nombreux intervenants, y compris en provenance d’Australie, ont pris la parole durant la réunion, reléguant au second plan les résultats financiers. En réponse, Joe Kaeser, président du comité de direction du groupe, a rappelé les nombreuses initiatives engagées par l’entreprise pour combattre le dérèglement climatique, le montant modeste du contrat, le respect de toutes les obligations légales et son intention de créer un organe interne chargé de « mieux gérer les enjeux de protection de l’environnement à l’avenir ». En guise de synthèse, il a qualifié de « non pertinentes » et de « presque grotesques » ces protestations qui s’exprimaient sur la base d’un seul contrat.

Cela ne traduit-il pas plutôt un manque de discernement de la part du président, qui n’a pas perçu le caractère emblématique de ce projet et les répercussions de la signature de ce contrat sur les esprits ? Des professionnels de la finance, comme Union Investment (qui revendique 390 milliards d’euros d’actifs sous gestion) ou la principale association d’actionnaires allemande DSW, ont d’ailleurs reconnu publiquement que cette affaire était une catastrophe sur le plan de la communication. Pour autant, ils n’ont pas estimé que cet épisode justifiait à lui seul un vote de défiance vis-à-vis du comité de direction. Toutefois, la confiance s’érode lentement si l’on se fie à l’historique récent des votes relatifs à la décharge accordée aux membres du comité : 99,6 % en moyenne en 2018, 96,7 % en 2019, 94,6 % cette année.

BlackRock, le plus important gestionnaire d’actifs privé mondial, s’est du reste exprimé publiquement sur cette question (le lendemain de l’assemblée seulement) en déclarant – et ce moins d’un mois après avoir annoncé ses nouvelles orientations en matière de politique ESG (IE n° 315) – que Siemens devait intensifier l’évaluation de ses risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Si des associations écologistes comme Greenpeace, qui avait organisé des manifestations devant le siège allemand de BlackRock pour protester contre son soutien financier à Siemens, jugent que l’intervention de BlackRock n’est que pure communication, le gestionnaire d’actifs, de son côté, pense que cette prise de parole peut constituer un avertissement pour l’ensemble des entreprises industrielles allemandes. En définitive, même si ce contrat peut être considéré comme « symbolique », la manière dont la direction du groupe a traité ses conséquences sociétales pourrait, à l’avenir, semer le doute sur la justesse de ses décisions.