Les relations financières entre les laboratoires et le monde médical posent toujours question

La recherche a besoin d’argent pour financer ses activités. Les fonds publics étant de plus en plus sous pression, les financements privés sont, dans bon nombre de cas, souvent les bienvenus. Toutefois, ils suscitent la suspicion dans la mesure où ils peuvent, à tout le moins, orienter la recherche en direction des intérêts bien compris des financeurs, réduire de fait le champ de l’exploration scientifique et, dans le pire des cas, introduire des décisions biaisées. Le secteur de la santé est souvent montré du doigt pour ses liaisons dangereuses. A la suite du scandale du Mediator, une base de données publique a été mise en place en France en 2014. Elle permet de lister les avantages, conventions et rémunérations accordés par des entreprises à différents bénéficiaires. En 2018, plus de 2,5 millions de versements ont été effectués. Ce nombre important d’enregistrements rend l’analyse des données particulièrement ardue.

Le collectif Data+Local réunit des journalistes de la presse quotidienne régionale. Ceux-ci ont mené une série de dix-sept enquêtes publiées le 10 janvier 2020 en concentrant leur recherche sur les sommes perçues par les trente-deux CHU du territoire français et les quelque 30 000 praticiens qui y exercent une activité. Au total, les CHU ont perçu 78 millions d’euros environ et les professionnels de santé plus de 92 millions d’euros. Des cas troublants ont été relevés, comme celui du Professeur Jean-Michel Cardot, qui a reçu, au cours de l’année 2018, 112 856 euros de rémunérations en tant que consultant (dont près de 70 000 euros en provenance du groupe Sanofi). Le journal La Montagne, à l’origine de cette information, indique que le CHU de Clermont-Ferrand, où le médecin était attaché à 30 %, ignorait tout de ces activités annexes (tout comme le laboratoire de biopharmacie de l’université Clermont Auvergne dont il est le responsable) et qu’il a accepté la démission de Jean-Michel Cardot après l’enquête réalisée par le journal. Les laboratoires, qui regrettent que ces enquêtes alimentent la suspicion, précisent que ces collaborations sont nécessaires et ces dépenses légales. Cela étant, si des progrès ont été réalisés en matière de transparence, ces investigations montrent qu’il reste encore beaucoup à faire pour écarter définitivement les soupçons.