Les sociétés extractives françaises doivent améliorer la transparence de leurs versements aux Etats

Les entreprises extractives sont régulièrement critiquées pour leur manque de transparence en ce qui concerne les paiements réalisés au profit des gouvernements des pays dans lesquels elles exercent leurs activités, ce qui suscite des soupçons de corruption ou d’évasion fiscale et pose la question d’un juste partage de la valeur créée. Les Etats-Unis avaient été les premiers, en 2010, à manifester leur volonté de rendre obligatoire la publication de ces informations (loi Dodd-Frank), mais ils avaient tardé à appliquer la réglementation en raison de l’opposition du lobby pétrolier (voir IE n° 241). Cet acquis a depuis lors été remis en question par l’administration Trump (voir IE n° 252). Le mouvement en faveur de la transparence s’est néanmoins étendu, en particulier en Europe, où une directive adoptée en 2013 contraint désormais les entreprises extractives ou actives dans l’exploitation des forêts primaires et dépassant au moins deux critères chiffrés (nombre moyen de salariés : 250, total du bilan : 20 millions d’euros, chiffre d’affaires net : 40 millions) à rendre publics les versements de plus de 100 000 euros effectués au profit des Etats sur le territoire desquels elles opèrent. Les ONG Oxfam, Sherpa et ONE ont publié le 12 avril un rapport sur les informations transmises par six entreprises françaises (Total, EDF, Areva, Engie, Eramet, Maurel & Prom), dont les premiers reportings ont été publiés en 2016 après la transposition de la directive en droit français (loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014). Pour chacune des sociétés, le rapport met en avant les points forts, les points faibles et formule des recommandations. Parmi les aspects restant encore largement à améliorer, le rapport souligne le flou sur les taux de change utilisés et demande une meilleure contextualisation des versements ou encore une identification claire des bénéficiaires. L’étude insiste en outre sur les écarts suspects entre les revenus déclarés par Total et Areva, et ceux annoncés par les bénéficiaires. Pour Total, la différence, qui porte sur les revenus de 2015 du plus important gisement pétrolier en Angola, serait supérieure à 100 millions de dollars et pourrait s’expliquer par des divergences sur le nombre de barils de pétrole déclarés ou dans la valorisation du prix moyen du baril. En ce qui concerne Areva, les associations soupçonnent une sous-évaluation des prix d’enlèvement et de transaction de l’uranium extrait au Niger, ce qui aurait eu pour effet de limiter les redevances versées à l’Etat nigérien de 15 millions d’euros et l’impôt sur les sociétés payé dans ce pays à un montant évalué entre 10 à 30 millions.