Les efforts fournis par les sociétés pétrochimiques pour produire du plastique recyclé ne sont pas à la hauteur des enjeux

Le 6 février 2023, la fondation Minderoo a publié un rapport dans lequel elle indique qu’entre 2019 et 2021, la production de plastique à usage unique a été 15 fois supérieure à celle du plastique recyclé. Au cours de cette période, 6 millions de tonnes de plastique à usage unique ont été produites, et 15 millions de tonnes supplémentaires devraient être mises en circulation d’ici 2027. Seulement 9 % du plastique produit dans le monde est recyclé, et environ 10 millions de tonnes de déchets pénètrent dans les océans chaque année. La principale cause du problème est qu’il revient moins cher de produire du plastique vierge que de trier, nettoyer et recycler le plastique usagé.

Les entreprises pétrochimiques n’augmentent leurs capacités de recyclage que dans les pays développés où la demande de plastique recyclé est relativement forte et où les conditions économiques sont favorables. Les investissements dans les infrastructures de recyclage situées dans les pays en développement sont beaucoup plus rares. Or, ce sont eux qui souffrent le plus de la pollution au plastique. Quant aux investisseurs, ils pensent que le rendement dans les activités de recyclage est médiocre, ce qui explique en partie la lenteur des investissements dans le domaine. Sur les 20 sociétés étudiées, Minderoo n’en a identifié que deux qui produisent des polymères recyclés à grande échelle : Indorama Ventures (Thaïlande) et Far Eastern New Century (Taïwan).

Par ailleurs, certaines organisations faisant la promotion du recyclage sont contrôlées par les grands producteurs de polymères. C’est le cas de l’Alliance to End Plastic Waste (AEPW). ExxonMobil est d’ailleurs parmi ses membres fondateurs et l’un des plus actifs. Néanmoins, le groupe figure en tête du classement de Minderoo des plus grandes sources mondiales de déchets plastiques à usage unique. Cela entame la crédibilité du secteur. De plus, cela peut laisser penser que l’abondance des déchets (les matières premières) est considérée comme un facteur important permettant de faire baisser les coûts et d’optimiser le rendement des installations de recyclage.

La production de plastique à usage unique a aussi un impact sur les émissions de GES. C’est pourquoi Minderoo invite les producteurs à prendre en compte la totalité du cycle de vie de leurs produits (scopes 1, 2 et 3) pour évaluer leurs stratégies climatiques. Elle les incite également à se fixer un objectif minimal de 20 % de matières recyclées dans leur production de polymères d’ici 2030, et ce, afin d’aligner leurs activités sur les objectifs climatiques mondiaux. En effet, du berceau à la tombe, le « recyclage mécanique » réduirait les émissions de 30 à 40 % par rapport aux polymères issus de combustibles fossiles. La fondation appelle aussi à une taxe sur la production de « polymères fossiles » pour financer des infrastructures de collecte, de tri et de recyclage des plastiques qui manquent cruellement dans certaines régions.

Pour mémoire, dans une précédente étude (octobre 2022), la fondation a évalué que l’industrie pétrochimique pourrait être confrontée à une vague de litiges sur la base des dommages causés par le plastique sur la santé (ingestion, absorption par voie respiratoire…). Le rapport estime que les poursuites devraient se concentrer sur les États-Unis, et que les demandes en dommages et intérêts pourraient dépasser 20 milliards de dollars sur la période 2022-2030.