Dans la nuit du 13 au 14 juin 2017, un terrible incendie s’est déclaré dans la tour Grenfell, un immeuble de logements sociaux de 24 étages situé à Londres. Ce feu a causé la mort de 72 personnes. La construction de l’immeuble a été achevée en 1974. En 2015/2016, il a fait l’objet d’une réhabilitation, notamment de l’isolation extérieure. Les conditions de rénovation, en particulier la conception du bardage et les matériaux utilisés, ont été mises en cause dans ce drame dans un rapport d’experts publié en 2018. À la suite de cette tragédie, une enquête publique a été ordonnée, et le rapport de 1 400 pages a été rendu public le 4 septembre 2024.
Le document établit de nombreuses responsabilités. Il met en cause le cabinet d’architectes Studio E, les constructeurs Rydon et Harley Facades, les pouvoirs publics, le département de contrôle des bâtiments du Royal Borough de Kensington et de Chelsea… Il attaque aussi les fournisseurs de matériaux : Arconic, l’entreprise étatsunienne qui a fourni les panneaux de revêtement à base de plastique qui ont été la principale cause de la propagation de l’incendie ; Celotex, qui a fabriqué la plus grande partie de la mousse isolante combustible (RS5000) ; et Kingspan, qui a produit une petite partie de l’isolation.
Le RS5000 de Celotex, un isolant en mousse de polyisocyanurate, fait partie des matériaux incriminés. Propriété d’AAC Capital Partners (la société d’investissement d’ABN Amro), Celotex a été reprise en août 2012 par BPB UK Ltd (une filiale du groupe Saint-Gobain) avec effet au 31 décembre 2015. De fait, la multinationale française s’est trouvée impliquée dans le drame de Grenfell. Le rapport souligne que pour pénétrer le marché de l’isolation adaptée aux immeubles de grande hauteur, Celotex a soumis à des tests de la norme BS 8414 un système assemblant le RS5000 et deux panneaux d’oxyde de magnésium résistants au feu, positionnés de telle sorte qu’ils garantissent sa conformité. L’entreprise a ensuite obtenu du Building Research Establishment (BRE) un rapport de test qui omettait toute référence aux panneaux d’oxyde de magnésium. Selon le rapport, « Celotex a [ensuite] présenté le RS5000 à Harley [le sous-traitant de Rydon pour le bardage, NDLR] comme étant adapté et sûr pour une utilisation sur la tour Grenfell, alors qu’elle savait que ce n’était pas le cas » (résumé du rapport, 2.31).
Une enquête policière est en cours et porte sur des crimes potentiels, notamment des homicides involontaires, des fraudes et des fautes professionnelles. Les risques liés à cette affaire sont consignés dans le document d’enregistrement universel de Saint-Gobain.
Le groupe reconnaît que des transactions confidentielles ont été conclues pour la majorité des plaintes « sans aucune reconnaissance de responsabilité de la part de Celotex Limited et/ou Saint-Gobain Construction Products UK Limited ». Des discussions sont toujours en cours avec d’autres plaignants. La compagnie affirme que les implications financières des transactions conclues sont payées et intégrées dans les états financiers au 31 décembre 2023. Cela étant, elle reconnaît aussi qu’il « est difficile de déterminer à ce stade dans quelle mesure Celotex Limited et Saint-Gobain Construction Products UK Limited pourraient encourir d’autres charges financières ou voir leur responsabilité civile ou pénale engagée du fait de la production, la commercialisation, la fourniture ou l’usage de leurs produits ». Aucun procès n’est prévu avant 2027.