En Allemagne, des organisations engagent la première action juridique sur la base de la loi locale sur le devoir de vigilance

La directive sur la responsabilité des entreprises multinationales à l’égard des actes de leurs filiales et de leur chaîne d’approvisionnement est encore en discussion au sein de l’Union européenne. Néanmoins, la France a adopté une telle loi en 2017 et l’Allemagne en 2021. Plusieurs actions juridiques ont d’ores et déjà été engagées en France. Le 12 mai 2023, plusieurs associations ont publié une première analyse de ce dispositif.

 

En Allemagne, la loi sur le devoir de vigilance est entrée en vigueur en janvier 2023. Elle s’applique aux sociétés dont le siège social ou l’établissement principal se trouve en Allemagne ainsi qu’aux sociétés étrangères qui possèdent une succursale là-bas. De plus, elle concerne les entreprises qui emploient 3 000 salariés ou plus dans ce pays, mais ce seuil sera ramené à 1 000 salariés en 2024. La loi prévoit des sanctions en cas de non-conformité. Les firmes dont le chiffre d’affaires annuel moyen est supérieur à 400 millions d’euros peuvent se voir infliger des amendes qui peuvent aller jusqu’à 2 % de leur chiffre d’affaires annuel moyen mondial. Les syndicats et les ONG situés en Allemagne sont habilités à engager des poursuites civiles au nom des parties qui ont fait l’objet de violations des droits humains.

Lors d’un webinaire coorganisé le 29 mars 2023 par la fédération syndicale internationale IndustriALL, Claudia Rahman, directrice de la politique syndicale globale du syndicat allemand IG Metall, avait incité les syndicats de la région Asie-Pacifique à utiliser la loi sur le devoir de vigilance pour mener des campagnes d’organisation stratégique tout au long des chaînes d’approvisionnement. Le 24 avril 2023, plusieurs organisations ont annoncé qu’elles avaient déposé une première plainte en Allemagne sur cette base. Il s’agit de la Fédération nationale des travailleurs du vêtement au Bangladesh (NGWF), du Centre européen pour les droits constitutionnels et humains installé à Berlin (ECCHR) et de l’association FEMNET (Bonn), qui intervient sur la question des droits humains et du travail des femmes.

La plainte a été déposée auprès de l’Office fédéral de l’économie et du contrôle des exportations (BAFA), l’organisme de réglementation de la loi allemande sur le devoir de vigilance. Elle a été engagée contre la marque de vêtements allemande Tom Tailor, Amazon et IKEA. Les organisations accusent les multinationales de ne pas correctement surveiller les conditions de travail dans leurs usines et de mettre en danger la sécurité des salariés.

Des recherches ont été menées par NGWF au Bangladesh en mars 2023. Elles ont mis en évidence des carences en matière de sécurité dans les usines approvisionnant ces groupes : défaillances au niveau des inspections, violations du droit du travail, absence de liberté d’association… Les sociétés ne sont pas membres de l’Accord international sur la santé et la sécurité dans l’industrie du textile et de l’habillement (The International Accord), un accord contraignant instauré après le drame du Rana Plaza en 2013 qui a causé la mort de plus de 1 132 ouvrières et ouvriers dans l’effondrement d’un immeuble qui abritait des ateliers de couture au Bangladesh.

Pour les plaignants, ne pas avoir signé l’Accord est un manquement délibéré dans la prévention des risques de violation des droits humains et une grave lacune dans la vigilance des entreprises. Le BAFA devra vérifier si les firmes ont rempli leurs obligations de diligence raisonnable en vertu de la loi, en particulier si elles ont pris des mesures appropriées pour prévenir les impacts sur la santé et la sécurité au travail chez leurs fournisseurs. Le traitement de ces cas par le BAFA n’est soumis à aucun calendrier.