Concernant l’ajout de sucres dans ses produits, Nestlé adopte deux poids deux mesures entre les pays riches et les pays en développement

En 1974, une campagne d’opinion au rayonnement international a été déclenchée contre le géant de l’industrie agroalimentaire Nestlé. Cette campagne d’interpellation, intitulée Nestlé tue des bébés, s’appuyait sur une étude réalisée par l’organisation britannique War on Want. Celle-ci dénonçait les stratégies publicitaires de l’entreprise multinationale suisse, qui promouvait notamment son lait en poudre au détriment de l’allaitement maternel dans les pays en développement. Cela créait des habitudes chez les mamans qui, associées à des conditions d’hygiène inappropriées, pouvaient causer de graves infections chez les nourrissons susceptibles d’aboutir à leur décès.

Le 22 avril 2024, un demi-siècle plus tard, l’organisation suisse Public Eye et le Réseau international d’action pour l’alimentation infantile (IBFAN) ont publié une nouvelle étude sur les pratiques de Nestlé dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Le document affirme que deux importantes marques d’aliments pour bébés et très jeunes enfants du groupe (les céréales de blé Cerelac et le lait en poudre Nido) contiennent des niveaux élevés de sucre ajouté, alors que ces produits en sont exempts en Suisse et dans la plupart des marchés européens. En outre, l’organisation précise que pour conforter sa place de leader sur les marchés, Nestlé emploie des stratégies de marketing offensives et trompeuses faisant intervenir des professionnels de santé et des influenceurs.

Depuis de nombreuses années, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) alerte la communauté internationale sur l’ampleur que prend l’épidémie d’obésité dans le monde, et particulièrement dans les pays en développement. Elle prévient aussi que l’absorption de sucre dès la petite enfance crée des addictions qui peuvent durer toute la vie et avoir des répercussions graves sur la santé. C’est pourquoi l’OMS recommande d’exclure tous les sucres ajoutés de la nourriture destinée aux enfants de moins de trois ans.

IBFAN et Public Eye ont analysé quelque 150 produits commercialisés par Nestlé dans plusieurs pays à faible revenu d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Presque tous les produits Cerelac contiennent du sucre ajouté (quasiment l’équivalent d’un morceau de sucre par portion en moyenne). Quant aux portions de lait en poudre Nido, chacune d’entre elles en comporte en moyenne près de 2 grammes. Opposées à cette différence de traitement, les deux ONG ont lancé une pétition demandant à Nestlé de « renoncer immédiatement à l’ajout de sucre dans son assortiment destiné aux enfants de moins de trois ans, partout dans le monde ».