Vendredi 26 mai 2023. Comme annoncé, des militants écologistes (plusieurs centaines) ont commencé à affluer dès 6 heures du matin vers le lieu où devait se tenir l’assemblée générale de TotalEnergies (salle Pleyel dans le VIIIe arrondissement de Paris). Leur objectif était, de la même manière qu’en 2022, de bloquer l’accès de la salle aux actionnaires. À la demande de la compagnie, les forces de l’ordre étaient également présentes en nombre et ont fait usage de gaz lacrymogènes. Contrairement à l’année dernière, les services de sécurité ont laissé passer les actionnaires, mais au compte-gouttes. Ils étaient environ 500 dans la salle (pour une capacité de 1 900 personnes), selon le président du groupe, Patrick Pouyanné. L’organisation avait cependant innové cette année, avec la mise en place d’une cloison en plexiglas entre la tribune et la salle. De mémoire d’actionnaire, c’était là une première dans une assemblée en France.
L’un des principaux enjeux de cette assemblée tournait autour de la politique climatique de l’entreprise. Deux projets de résolution consultatifs étaient présentés au suffrage des actionnaires. L’un était proposé par le conseil d’administration. Il s’agissait d’approuver le rapport Sustainability & Climate – Progress Report 2023 de TotalEnergies. Pour les membres du conseil d’administration, il n’y avait pas de suspense, puisque près de 99,9 % des droits de vote s’étaient exprimés par correspondance ou par procuration avant le début de la réunion. La résolution a recueilli 88,76 % des voix. Patrick Pouyanné a fait un bref commentaire à l’issue du vote : « C’est un très large soutien à ce rapport, et je vous en remercie après le débat de qualité que nous venons d’avoir. »
L’autre résolution (résolution A) était portée par l’organisation Follow This. Elle visait à inclure les rejets de GES de scope 3 de la compagnie dans ses objectifs de conformité avec l’accord de Paris. Le débat entre le président et la salle s’est tenu pendant une heure et quart. Plusieurs interventions se sont concentrées sur la politique climatique du groupe, notamment celles du fonds danois PFA, de la société de gestion Phitrust et d’un représentant de Follow This. Cette dernière intervention a été ponctuée par les protestations déplacées des habituels récalcitrants à toute approche sociétale. Hormis cette anecdote, classique dans les assemblées, les interventions ont eu lieu dans un climat relativement serein, même s’il était possible de percevoir une certaine tension et une pointe d’agacement chez Patrick Pouyanné. On peut aussi regretter que la prise de parole de Follow This n’ait pas suscité davantage d’interactions entre son représentant et le président de TotalEnergies, comme c’est parfois le cas dans certaines assemblées à l’étranger.
Le président du groupe a de nouveau énoncé les arguments formulés par le conseil d’administration pour ne pas soutenir cette résolution. Il existe une demande en pétrole et en gaz, TotalEnergies la respecte et la satisfait. De plus, ne pas répondre à cette demande reviendrait à laisser la place à d’autres qui n’ont pas nécessairement les mêmes préoccupations pour le climat. Le groupe ne peut pas être tenu responsable de la politique commerciale de ses clients. La résolution a donc été rejetée, mais elle a toutefois recueilli 30,44 % des suffrages, ce qui constitue un score tout à fait significatif, nettement supérieur au résultat obtenu par la précédente résolution « dissidente » en mai 2020. Cela présage d’autres discussions entre les protagonistes (en coulisse).