L’utilisation des algorithmes dans l’organisation du travail met en danger la sécurité des salariés. Législateurs, syndicats et actionnaires réagissent

L’assemblée générale d’Amazon s’est tenue en format virtuel le 24 mai 2023. Elle suggérait 18 projets de résolution externes au vote des actionnaires : un nouveau record. Ces propositions recouvrent de nombreux sujets (gouvernance, lobbying climatique, égalité des chances, politique de rémunération des dirigeants, matériaux d’emballage, conditions de travail, liberté syndicale…). Les résolutions ont toutes été rejetées. Certaines ont cependant obtenu des scores très significatifs. C’est le cas notamment de celle réclamant un rapport sur l’utilisation de certaines technologies du groupe susceptibles d’affecter les droits civiques et la vie privée, ou d’être vendues à des régimes autoritaires. Elle a recueilli 37,48 % des suffrages exprimés. La proposition portant sur la liberté d’association et de négociation collective ainsi que celle demandant un audit et un rapport sur les conditions de travail dans les entrepôts ont également eu de bons résultats (respectivement 34,91 et 35,43 % des voix).

Les conditions de travail dans les entrepôts du géant de Seattle sont un grief constant et mondial formulé à l’encontre de la compagnie. Ces critiques vont jusqu’à susciter de nouvelles lois aux États-Unis. Ainsi, le 16 mai 2023, le Sénat du Minnesota a adopté un projet de loi (HF36) visant à mieux protéger les salariés des entrepôts de l’État, comme ceux d’Amazon. Dans les entrepôts d’Amazon du Minnesota, on note chaque année un accident de travail pour 9 salariés. C’est deux fois le taux relevé dans ceux des autres entreprises de l’État, et plus de quatre fois celui rencontré dans l’industrie privée globale. Pour les syndicats, ce ratio élevé est directement attribuable à la façon dont Amazon gère le personnel dans ses entrepôts, à savoir des cadences excessivement rapides rendues possibles grâce au système de surveillance électronique dont le groupe a été le pionnier et à la discipline que ce dernier a instaurée. Les salariés affirment que les quotas fixés par les algorithmes les traitent comme des robots.

La loi obligera les employeurs à fournir aux employés des entrepôts des informations écrites sur les quotas et normes de performances auxquels ils sont soumis ainsi que sur la manière dont ces quotas et normes sont déterminés. Les employeurs devront partager ces informations dans la langue principale des salariés. Cet élément est primordial au Minnesota, où vivent plus de 86 000 migrants nés en Somalie. Le texte prévoit également de rendre obligatoire une enquête par le commissaire du Travail et de l’Industrie du Minnesota lorsque le taux d’accidents du travail est supérieur de 30 % à la moyenne de l’industrie. C’est le troisième projet de loi de cette nature adopté aux États-Unis, après l’État de New York en juin 2022 et la Californie en septembre 2021.

Parallèlement, la fédération syndicale internationale UNI Global Union a publié le 25 mai 2023 un rapport intitulé Algorithmic Management: Opportunities for Collective Action. Le document fournit des conseils sur la manière dont les syndicats peuvent contester les systèmes algorithmiques en utilisant les cadres juridiques établis et les mécanismes de négociation existants. La fédération a identifié quatre outils clés pour remédier aux excès de la gestion algorithmique : les lois sur la protection des données ; l’établissement de normes de travail équitables qui imposent des pauses ou des périodes de repos ; les réglementations sur la santé et la sécurité ; et les règles relatives à l’obligation de négocier ou de se concerter sur l’utilisation des nouvelles technologies. Le guide propose aussi des recommandations concrètes pour les futures négociations collectives.