La London Bullion Market Association (LBMA), située à Londres, est une organisation professionnelle qui définit le prix des transactions sur les marchés de gros des métaux précieux (or, argent, platine et palladium). Elle est considérée comme la référence mondiale en la matière. Mais, le 13 décembre 2022, une plainte a été déposée auprès de la Haute Cour de Londres pour accuser la LBMA d’avoir certifié à tort que l’or provenant d’une mine tanzanienne était exempt de graves violations des droits humains.
Les plaignants sont les familles de deux mineurs artisanaux décédés en 2019 après avoir travaillé à la North Mara Gold Mine, détenue majoritairement par la société canadienne Barrick Gold Corporation. Les deux jeunes hommes ont été tués par des agents de sécurité et/ou des policiers tanzaniens chargés d’assurer la sécurité de la mine. La mine de North Mara et Barrick Gold font l’objet de lourdes controverses en matière de violation des droits humains. À ce titre, le 23 novembre 2022, l’association de défense des droits humains RAID a annoncé qu’elle poursuivait en justice Barrick Gold devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario (Canada). La plainte a été déposée par 21 ressortissants tanzaniens pour de graves violations des droits humains dans la mine de North Mara.
Dans l’affaire qui oppose les deux familles à la LBMA à Londres, les demandeurs soutiennent qu’en dépit des témoignages qui démontrent, depuis de nombreuses années, les violations systématiques des droits humains dans la mine de North Mara, l’organisation a continué d’attribuer son certificat LBMA Responsible Gold à l’or provenant de ce gisement. Sur le fond, il s’agit donc de savoir si les principes de responsabilité civile peuvent s’appliquer à un organisme de certification comme la LBMA, du fait de la défaillance de sa démarche de certification qui aurait été à l’origine ou aurait contribué à des violations des droits humains.
La LBMA établit des normes et des politiques obligatoires qui encadrent environ 300 milliards de dollars de transactions d’or qui ont lieu chaque semaine à Londres. Elle est censée exercer une surveillance pour s’assurer que ces normes sont respectées, et elle a la capacité de suspendre un raffineur qui n’appliquerait pas le Responsible Gold Guidance.
Les plaignants affirment qu’au moment du décès de leurs proches, la LBMA certifiait l’or raffiné et, de fait, garantissait qu’il n’était entaché d’aucune violation grave des droits humains. Elle aurait dû au contraire respecter ses propres règles et sanctionner le raffineur en le suspendant ou en lui retirant son label « Good Delivery ». Une telle peine aurait été désastreuse pour le raffineur et pour la mine, tant sur le plan commercial que pour leur réputation ; l’un et l’autre auraient perdu l’accès au marché londonien de l’or. Aussi, cela les aurait forcés à mettre un terme aux violations systématiques des droits humains des mineurs artisanaux, et les deux jeunes hommes seraient toujours en vie.
Pour le cabinet d’avocats Leigh Day qui représente les deux familles des victimes, « les auditeurs sociaux et les organismes de certification ont trop longtemps été utilisés pour blanchir de graves violations des droits de l’Homme et de l’environnement liées à la conduite des entreprises. Il est grand temps que leur propre rôle soit examiné et qu’ils soient tenus pour responsables des manquements qui permettent aux violations des droits humains de persister sans contrôle. » Dans une logique voisine, le 15 novembre 2022, l’association Human Rights Watch a analysé les failles des démarches d’audits sociaux. Dans ses conclusions, l’ONG a estimé que les régulateurs et les décideurs ne devraient pas considérer les audits sociaux et les certifications des fournisseurs comme une preuve suffisante de la qualité d’une démarche de vigilance raisonnable d’une entreprise.