Barrick Gold Corporation est une entreprise canadienne d’exploitation et de développement de sites miniers cotée en Bourse et dont le siège social est situé à Toronto (Ontario, Canada). Le 23 novembre 2022, l’association de défense des droits humains RAID a annoncé poursuivre en justice Barrick Gold devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. La plainte a été déposée par 21 ressortissants tanzaniens pour de graves violations des droits humains à la mine d’or North Mara de la firme en Tanzanie.
Les plaignants sont des membres de la communauté indigène Kurya qui vivent dans des villages du nord de la Tanzanie, où se trouve la mine. Ils sont représentés par les cabinets d’avocats Camp Fiorante Matthews Mogerman LLP et Waddell Phillips. Ils dénoncent des meurtres, des fusillades et des actes de torture qui auraient été commis par la police engagée pour garder la mine. Dans leurs conclusions, les avocats font état de 5 décès, 5 actes de torture et 5 autres blessures causées par des tirs de la « police des mines ».
Dans une enquête publiée le 11 novembre, RAID avait signalé que la mine de North Mara était l’une des plus meurtrières d’Afrique. On y recense des violences liées à la sécurité, avec au moins 77 personnes tuées et 304 autres blessées par la police en charge de la sécurité de la zone. La plupart de ces incidents se sont produits après que Barrick a acquis la mine en 2006. Celle-ci rémunère, équipe, nourrit et loge en permanence près de 150 policiers qui opèrent en vertu d’un accord signé entre la société et les forces de l’ordre. Ils sont munis d’armes automatiques, de matraques, de gaz lacrymogène, de bombes assourdissantes… Selon un commissaire de police, ceux-ci fournissent leurs services exclusivement à la mine. De son côté, Barrick affirme que North Mara n’emploie pas la police qui lui est affectée, ne la supervise pas, ne la contrôle pas et n’est donc pas responsable de sa conduite.
Les tribunaux canadiens sont maintenant appelés à se prononcer sur la question de savoir si Barrick peut être tenue pour responsable du préjudice cité dans ces affaires en vertu de la loi. C’est la première fois que l’entreprise fait face à des poursuites judiciaires au Canada pour violation des droits de la personne dans l’une de ses opérations à l’étranger. Deux autres actions ont été intentées au Royaume-Uni pour des motifs similaires contre sa filiale Acacia Mining, qui a exploité la mine de North Mara entre 2010 et 2019. La première affaire a été close en 2015 par un règlement à l’amiable, et les versements n’ont pas été divulgués. La seconde, qui concerne des événements survenus entre 2014 et septembre 2019, est toujours en cours.
Cette affaire pourrait être une étape importante vers la responsabilisation des entreprises canadiennes. Pour mémoire, en mars 2022, deux députés membres du Nouveau Parti démocratique (NPD) canadien ont déposé deux « projets de loi » d’initiative parlementaire visant à renforcer la loi afin de s’assurer que les firmes canadiennes respectent l’environnement et les droits humains à l’étranger. Ces deux projets ne font pas partie de l’ordre des priorités du Parlement et n’ont toujours pas dépassé le stade de la première lecture à la Chambre des communes.