Le 21 juillet 2020, Katta O’Donnell, âgée de vingt-trois ans, a saisi la Cour fédérale australienne. Elle accusait le gouvernement d’induire en erreur les investisseurs en obligations souveraines en omettant de communiquer sur le risque financier dû à la crise climatique. Elle précisait aussi que les jeunes Australiens possédaient des obligations souveraines à travers leur fonds de retraite et qu’ils ignoraient donc les dangers auxquels ils étaient exposés (IE n° 327). Le 24 juillet 2018, Mark McVeigh, un autre Australien de vingt-trois ans à l’époque, a déposé un recours contre la société dépositaire de son fonds de retraite, auprès duquel il cotisait depuis 2013. Il reprochait à la société de ne pas lui avoir transmis les informations auxquelles la loi lui donnait droit pour prendre une décision éclairée au sujet de la gestion du fonds et des conséquences financières afférentes. Il espérait notamment des indications sur les diligences et actions engagées par le fonds pour répondre aux risques induits par le changement climatique (IE n° 285). Ces actions engagées aux antipodes de l’Europe illustrent les attentes des jeunes actifs à l’égard des organismes censés garantir leurs droits de futurs retraités. Ils leur demandent de ne pas investir dans des sociétés qui compromettent leur avenir.
Lentement, ces exigences reçoivent un écho favorable de la part des fonds de retraite. Le 26 octobre 2021, ABP, le fonds de retraite néerlandais pour les salariés de l’éducation et les fonctionnaires, et l’un des plus importants fonds de pension au monde, a ainsi annoncé qu’il allait céder l’essentiel des participations qu’il détient dans quelque quatre-vingts sociétés pétrolières, gazières et charbonnières d’ici le premier trimestre 2023. Ces investissements représentent à ce jour près de 3 % des 528 milliards d’euros d’actifs gérés par ABP, soit plus de 15 milliards d’euros. Jusqu’à présent, ABP privilégiait le dialogue avec les producteurs de combustibles fossiles. Mais les récents rapports alarmants de l’Agence internationale de l’énergie et du Groupe d’experts sur le climat (GIEC) ainsi qu’une pression populaire grandissante, y compris émanant des milieux universitaires, semblent avoir présidé à ce changement de cap. Diane Griffioen, responsable de la politique d’investissement chez ABP, a également reconnu que, depuis un certain temps, la société se préparait à l’éventualité d’un procès, en particulier de la part du mouvement international Fossil Free. À l’occasion de l’annonce faite le 26 octobre, la présidente d’ABP, Corien Wortmann-Kool, a donc précisé que le fonds allait se retirer des producteurs de combustibles fossiles parce que les possibilités d’agir pour accélérer de manière significative le processus de transition énergétique de ces entreprises lui semblaient insuffisantes. Elle a ajouté qu’un « changement radical » de la stratégie d’investissement du fonds de pension était nécessaire. ABP concentrera désormais sa capacité d’influence sur les grands utilisateurs d’énergie fossile tels que les compagnies d’électricité, l’industrie automobile et l’aviation pour les encourager à être plus durables. Les organisations militantes entendent maintenant faire porter leur action sur les autres fonds de retraite.