Aux États-Unis, l’élection d’un syndicat dans les entreprises de la nouvelle économie reste un événement exceptionnel. Ce constat est particulièrement vrai chez Amazon. Dans cette entreprise, le 1er avril 2022, le syndicat Amazon Labor Union a marqué l’histoire en permettant à l’entrepôt de Staten Island (connu sous le nom de JFK8) d’être le premier du groupe aux États-Unis, et le seul à ce jour, à être syndiqué. Mais depuis deux ans, Amazon refuse de le reconnaître et d’entamer des négociations avec les quelque 5 500 travailleurs qu’il représente. La firme continue de contester juridiquement sa victoire.
Toutefois, le 13 novembre 2024, le National Labor Relations Board (NLRB), le principal organisme étatsunien de réglementation du travail, a déclaré que la société avait fait des promesses et proféré des menaces illégales au cours de réunions obligatoires afin de décourager la syndicalisation lors des élections de 2022. Le NLRB a indiqué que les dirigeants d’Amazon avaient implicitement promis de régler certaines réclamations si les travailleurs rejetaient le syndicat. De plus, ils ont menacé de bloquer les augmentations et les avantages sociaux si l’entrepôt se syndiquait. Le comité a aussi constaté qu’Amazon avait supprimé des messages liés au syndicat sur un forum internet et menacé de sanctionner une employée de JFK8 si elle les republiait.
Dans sa décision, le NLRB a également interdit aux employeurs d’organiser de telles « réunions avec public captif » à l’avenir. Il a précisé que ce type de rassemblement, courant lors des campagnes syndicales, interfère illégalement avec le droit des travailleurs de choisir librement de se syndiquer ou non. Les employeurs peuvent légalement organiser des réunions pour discuter de la syndicalisation, mais seulement si elles sont volontaires, si les travailleurs sont informés à l’avance des sujets à discuter et si aucun registre de présence n’est tenu.
Amazon peut faire appel de la décision devant une cour d’appel fédérale. Cela s’ajouterait à deux autres plaintes déposées par le géant du commerce électronique contre le NLRB contestant la constitutionnalité de la structure de l’institution. Le but de ces recours est de bloquer les procédures engagées contre l’entreprise, notamment celle lui reprochant d’avoir illégalement refusé de négocier avec le syndicat de JFK8.
L’interdiction des réunions avec un public captif par le NLRB est également susceptible de faire l’objet de contestations judiciaires de la part des employeurs, qui pourraient soutenir que cette interdiction viole le droit à la liberté d’expression des entreprises. Les membres sont nommés par le président des États-Unis et sont actuellement majoritairement démocrates. Cette décision pourrait être annulée si le NLRB obtenait une majorité républicaine, car l’agence revient souvent sur ses décisions après un changement de direction. Au moins 10 États américains, dont New York, la Californie et, plus récemment, l’Alaska, ont interdit les réunions avec un public captif ou interdit aux employeurs de sanctionner les travailleurs qui n’y assistent pas.