Les services de renseignement ukrainien ont publié une base de données sur Internet sur les entreprises ayant fourni à la Russie du matériel pouvant fabriquer des armes

Les investissements et les opérations commerciales menées avec la Fédération de Russie ou avec des États susceptibles de servir d’intermédiaires occultes avec ce pays sont scrutés avec attention par de nombreux observateurs, y compris par le monde de la finance. Pour des questions éthiques, tout d’abord. Est-il bien moral d’entretenir des relations d’affaires avec des personnes, des entités ou des États dont la probité est très contestable ?

Par ailleurs, ces opérations présentent un risque. Dans le cas de la Russie, l’entreprise peut ternir sa réputation, être accusée d’avoir contribué à l’effort de guerre de ce pays en versant des impôts et taxes, en mettant du personnel ou des moyens logistiques à disposition de son armée, en se rendant indirectement complice de violations des droits humains ou de crimes de guerre, en fournissant du matériel pouvant être utilisé à des fins militaires.

Le 30 juillet 2024, la direction générale du renseignement de la Défense de l’Ukraine (GUR) a lancé une base de données en libre accès sur les équipements étrangers exploités par la Russie pour la production d’armes. En date du 28 octobre 2024, cette base partageait des informations sur 961 machines-outils fabriquées par 225 entreprises étrangères, utilisées par 153 usines situées sur le territoire russe et pouvant fabriquer des armes destinées aux agressions contre l’Ukraine.

L’Allemagne est de loin le pays qui compte le plus grand nombre d’entreprises (60) dont les équipements bénéficient au gouvernement russe pour fabriquer des armes telles que des missiles, des bombes, des satellites militaires, des avions et des hélicoptères militaires, des navires de guerre, de l’artillerie et des munitions. Taïwan se place en deuxième position avec 26 entreprises, puis les États-Unis et le Japon (20 sociétés chacun), la Suisse (19 entreprises) et l’Italie (16 entreprises). On dénombre 6 sociétés dont le siège est en France.

Le Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l’Homme a interrogé 218 de ces sociétés, mais n’a reçu que 23 réponses. La plus fréquente est que les firmes ont suspendu ou arrêté leurs transactions avec la Russie après son invasion de l’Ukraine en 2022. Mais le Centre précise que l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine remonte à 2014. Or, en vertu des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme, ces entreprises sont tenues de faire preuve de diligence raisonnable pour identifier et traiter les impacts que leurs activités commerciales, produits et services pourraient avoir sur les droits humains. Dans les zones de conflit, les sociétés doivent rédiger une version « renforcée » de cette démarche.

Quelques firmes ont pu fournir des exemples de mesures mises en place pour renforcer leurs plans, mais ceux-ci s’avèrent être assez modestes. L’entreprise suisse ABB (robots industriels) est la seule à avoir déclaré qu’elle prenait très au sérieux les préoccupations soulevées par le Centre et a indiqué avoir « lancé une enquête interne pour recueillir davantage d’informations ».