Avec respectivement 10 000 milliards et 9 000 milliards de dollars d’actifs, BlackRock et Vanguard sont de loin les plus grands gestionnaires d’actifs au monde. Leurs votes aux assemblées générales des entreprises envoient un signal important aux investisseurs. Les deux sociétés ont publié leurs rapports de gestion pour la saison des assemblées générales de 2024.
Ces rapports montrent que leur soutien aux propositions climatiques des actionnaires a encore diminué cette année. BlackRock n’a soutenu que 20 des 493 propositions climatiques présentées. Il s’agit d’une nouvelle baisse par rapport à l’année dernière. BlackRock avait alors appuyé 30 propositions. Pour mémoire, en 2021, le géant de la finance avait apporté ses suffrages à près de la moitié de toutes les résolutions climatiques. De son côté, Vanguard a révélé avoir examiné plus de 400 propositions d’actionnaires environnementales et sociales, mais n’avoir adhéré à aucune initiative.
Les deux sociétés ont argué que les propositions étaient trop prescriptives (appel à des objectifs d’émissions de GES spécifiques ou demande d’audits externes pour certaines opérations réalisées par les entreprises, par exemple) ou ne démontraient pas que les risques financiers auxquels étaient exposés les actionnaires des sociétés concernées étaient importants.
Cette année, le nombre de propositions d’actionnaires dans les grandes sociétés pétrolières et gazières a été limité aux États-Unis. Cela fait suite à l’annonce d’Exxon de poursuivre en justice deux de ses actionnaires, Follow This et Arjuna Capital, pour avoir déposé une résolution sur le climat. L’affaire a suscité l’indignation de nombreux propriétaires d’actifs à l’échelle internationale. Malgré cette indignation, Jay L. Hooley et les autres administrateurs du groupe ont reçu le soutien d’environ 90 % des actionnaires. Vanguard a reconnu avoir voté en faveur de la reconduction des administrateurs d’Exxon, mais a cependant exprimé des inquiétudes concernant le droit des actionnaires.
Lors de l’assemblée générale de Shell, un nombre record d’investisseurs a soutenu une résolution appelant le géant pétrolier à aligner les objectifs de réduction de ses rejets de GES à moyen terme sur l’accord de Paris. Ni BlackRock ni Vanguard n’ont appuyé cette proposition. Ils ont, au contraire, voté en faveur de la stratégie de transition énergétique présentée par la direction de Shell, qui a été critiquée par les écologistes, car celle-ci ne prévoit pas de réduction des rejets au cours de cette décennie. Pour BlackRock, Shell a fourni et continue de fournir une évaluation claire de ses plans de gestion des risques et opportunités liés au climat, et ne cesse de démontrer des progrès dans sa stratégie de transition énergétique.
La posture des deux géants de la gestion d’actifs s’inscrit dans un contexte où les positions anti-ESG se déploient, et où la matérialité financière est désormais privilégiée par certains investisseurs et instances de réglementation étatsuniennes. Toutefois, l’hypothèse selon laquelle les risques climatiques n’auraient pas d’impact financier important est elle aussi de plus en plus souvent battue en brèche.