Le 29 avril 2024, le Royaume-Uni a expulsé un premier demandeur d’asile vers le Rwanda. Cela fait suite à l’adoption, le 23 avril, d’une loi très controversée (Safety of Rwanda (Asylum and Immigration) Bill) permettant d’envoyer vers ce pays, avec lequel un accord a été conclu, des réfugiés arrivés illégalement sur le territoire britannique.
Quelques jours auparavant, le 22 avril, plusieurs experts de l’Organisation des Nations Unies avaient exprimé dans un communiqué leur inquiétude quant au rôle des compagnies aériennes et des autorités aéronautiques dans la facilitation des renvois vers le Rwanda. Ils estiment que ces acteurs pourraient se rendre complices de violation des droits humains.
Envoyer des demandeurs d’asile vers le Rwanda, ou tout autre pays où ils risqueraient d’être refoulés, violerait le droit de ne pas être soumis à la torture ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. En novembre 2023, la Cour suprême du Royaume-Uni a jugé que les renvois vers le Rwanda iraient à l’encontre de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui prohibe la torture ainsi que les peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Par ailleurs, la 13e règle formant les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme interdit aux entreprises de contribuer à des violations des droits humains. Le Principe directeur n° 23 exige quant à lui que les entreprises se conforment, partout où elles opèrent, à toutes les lois applicables, qu’elles respectent les droits humains internationalement reconnus et qu’elles traitent le risque de donner lieu à une violation des droits de l’Homme.
Cette mise en cause des compagnies aériennes pour l’aide qu’elles sont susceptibles d’apporter aux politiques migratoires des gouvernements n’est pas nouvelle. Pour mémoire, le 25 octobre 2019, l’Australasian Centre for Corporate Responsibility (ACCR) avait déposé un projet de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale de la principale compagnie aérienne australienne, Qantas. Cette résolution demandait à la compagnie d’examiner sa politique et son processus en matière de transport non consenti des personnes au regard des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme. Elle avait recueilli 23,56 % des votes des actionnaires. Quelques années auparavant, le 12 juillet 2007, lors de l’assemblée générale d’Air France-KLM, une motion du comité central d’entreprise avait réclamé aux actionnaires de se prononcer en faveur de l’arrêt de l’utilisation des avions du groupe pour les expulsions d’étrangers.