La rivière Marañón prend sa source dans la cordillère des Andes au Pérou, à 5 800 mètres d’altitude. Elle parcourt 1 570 kilomètres avant de rejoindre le río Ucayali pour donner naissance au fleuve Amazone. En septembre 2021, la fédération des femmes autochtones Kukama (le Huaynakana Kamatahuara Kana) a engagé une action en justice en vue de faire reconnaître que le fleuve Marañón et ses affluents possédaient des droits légaux propres. Le 18 mars 2024, le tribunal de première instance de Nauta, situé dans la région de Loreto, leur a donné raison.
Les droits reconnus par le juge sont : le droit de circuler, celui d’exister et d’abriter un écosystème sain, de suivre son parcours sans être contaminé, de nourrir ses affluents et d’être nourri par eux, le droit à la biodiversité, à la régénération de ses cycles naturels, à la conservation de sa structure et de ses fonctions écologiques, à la protection, à la préservation, à la restauration.
Le Marañón coule à proximité de l’une des plus importantes zones pétrolières du Pérou. Il a été pollué par des dizaines de marées noires au cours des dernières décennies. Les communautés Kukama, ainsi que d’autres installées dans la région de Loreto, dépendent de l’écosystème du fleuve Marañón en tant que source de subsistance et d’eau potable, mais aussi pour l’irrigation des cultures. Les voies navigables ont également été affectées par les barrages hydroélectriques et d’autres infrastructures, y compris par de grands projets de dragage visant à ouvrir son accès à de gros navires.
La reconnaissance par le tribunal de Nauta des droits du fleuve Marañón n’affecte pas immédiatement la production pétrolière ou d’autres activités potentiellement nuisibles à la nature, mais pourrait ouvrir la voie à de futurs litiges. Les organisations autochtones ont été déclarées gardiennes du río. Elles pourront désormais intenter des actions en justice en son nom pour bloquer des autorisations qui pourraient porter atteinte aux droits de la rivière, telles que l’exploitation minière. Il leur sera également possible de demander aux tribunaux d’ordonner aux pollueurs de procéder au nettoyage du cours d’eau et de ses affluents.
Pour fonder sa décision, le tribunal de Nauta s’est appuyé sur le droit des personnes à un environnement sain, droit fondamental reconnu par le Pérou et plus de 150 autres pays. Le jugement fait aussi appel au principe de précaution selon lequel, en l’absence de preuves scientifiques adéquates, il vaut mieux éviter certains risques qui pourraient conduire à des dommages irréversibles des écosystèmes. Ce principe juridique renverse la charge de la preuve et exige que ceux qui souhaitent s’engager dans des activités potentiellement nuisibles démontrent que leurs actions n’endommageront pas l’environnement. Les parties visées par la décision, parmi lesquelles Petroperú, peuvent encore faire appel du jugement.