Partout dans le monde, les actions juridiques pour entraver la promotion de « l’économie fossile » se multiplient. Mais pas toujours avec succès

Les prestations apportant un soutien au développement des énergies fossiles font de plus en plus souvent l’objet de campagnes de découragement et/ou de dénonciation. Les banques ont commencé à être ciblées il y a une vingtaine d’années, puis ce fut le tour des compagnies d’assurances. Plus récemment, ce sont les fournisseurs de matériel ou les prestataires de services (implication de Siemens dans le projet minier de Carmichael, piloté par Adani, en Australie, ou de Schneider Electric dans le projet Eacop, en Ouganda/Tanzanie, dirigé par TotalEnergies, par exemple) qui ont fait l’objet de campagnes d’opinion. La communication (qu’il s’agisse des agences spécialisées dans ce domaine ou du contenu des messages) est désormais en ligne de mire.

Pour ce qui est de la communication, les campagnes et les réglementations contre l’écoblanchiment ou l’utilisation abusive de soi-disant qualités environnementales se multiplient (au Royaume-Uni, au sein de l’Union européenne, aux États-Unis, en Australie…). C’est aussi le cas en Asie. Ainsi, à Singapour, une plainte a été déposée auprès de l’organisme en charge de la régulation de la publicité (Advertising Standards Authority – ASAS) contre l’entreprise Grab (qui met en relation chauffeurs et voyageurs). La plainte visait une campagne de publicité qui incitait les voyageurs à échapper à la chaleur étouffante et aux rames de métro bondées grâce à GrabShare, le service de covoiturage de la société.

Pour le plaignant, la campagne contrarie la politique climatique de Singapour – qui encourage ses habitants à emprunter les transports publics –, car elle fait la promotion de modes de transport à forte intensité de carbone qui aggravent le trafic routier et augmentent la dépendance de la cité-État aux combustibles fossiles. La campagne transgresse aussi le code publicitaire de Singapour, qui exige que les campagnes « aient un sens des responsabilités envers le consommateur et la société [et] ne renversent pas les valeurs partagées au sein de la société singapourienne ».

Cependant, l’ASAS a estimé que les publicités n’enfreignaient pas le code publicitaire de Singapour, car « elles ne déformaient ni ne dénigraient la possibilité de prendre les transports en commun d’une manière qui serait prise au sérieux par le public ». Elle a également considéré que la campagne favorisait le covoiturage plutôt que les trajets individuels, qui auraient un impact environnemental plus important. Si les actions à l’encontre des opérations visant à promouvoir, directement ou indirectement, les énergies fossiles se multiplient, elles restent encore difficiles à mener à leur terme. En effet, les réglementations manquent encore de maturité, et les plaignants doivent souvent emprunter des voies juridiques peu explorées.