L’association Greenpeace demande à Hyundai de prendre des mesures pour empêcher les orpailleurs illégaux au Brésil d’acquérir ses pelleteuses

L’activité d’une entreprise répond-elle à l’intérêt collectif ? Cette question mérite d’être posée à chaque fois que l’on réfléchit à la « raison d’être » d’une société. La question est complexe, car multifactorielle. Il est cependant possible de simplifier son approche en isolant les différents facteurs. Si l’on s’intéresse par exemple à l’utilité des services et des produits offerts, il convient non seulement de s’interroger sur la nature de ces produits et services, mais également sur la « moralité » des utilisateurs et l’usage qu’ils en font. Aujourd’hui, il commence à être largement admis que les centrales à charbon ne répondent pas à l’intérêt collectif. Mais il est aussi de plus en plus reconnu que promouvoir ce type d’installation (notamment à travers la publicité ou des financements) doit être stigmatisé de la même manière.

Le 12 avril 2023, l’association Greenpeace East Asia a publié un rapport dans lequel elle révèle que du matériel lourd fabriqué par la société sud-coréenne Hyundai contribue à la destruction de la forêt tropicale brésilienne. Sur la base de cartographies aériennes des territoires indigènes protégés Yanomami, Munduruku et Kayapo réalisées entre 2021 et 2023, l’ONG a comptabilisé 176 pelles hydrauliques défrichant illégalement la forêt. Parmi celles-ci, 75 ont été identifiées comme étant de marque Hyundai. Ce matériel a considérablement accéléré l’expansion de l’extraction illégale d’or. Chacun de ces engins peut effectuer en 24 heures un travail qui prendrait 40 jours à trois hommes. L’exploitation minière illégale démantèle les villages des populations autochtones, détruit leurs cultures et les forêts, pollue les rivières et les sols, et provoque des troubles sociaux.

L’activité de Hyundai au Brésil est en plein essor. Greenpeace a découvert qu’un revendeur agréé par Hyundai disposait de concessions situées à proximité des trois territoires autochtones. Or, dans ces zones, la demande en matériel lourd est faible. Par ailleurs, en 2020, les procureurs brésiliens ont diligenté une enquête sur la responsabilité des fabricants et fournisseurs d’équipement lourd à propos des dommages causés par leur matériel détenu par des mineurs illégaux. Hyundai n’a jamais répondu à la demande d’informations sur les mesures prises pour restreindre cette utilisation.

Selon les auteurs du rapport, les fabricants de matériel tels que Hyundai doivent veiller à ce que leurs équipements ne servent pas à commettre des crimes environnementaux et des violations des droits humains. Le document ajoute que les entreprises disposent de la technologie pour le faire (surveillance à distance, mise hors service des véhicules…). Les écologistes demandent que cette technologie soit utilisée en collaboration avec l’agence de protection de l’environnement brésilienne. Dans l’analyse de la responsabilité élargie des firmes, on évalue les pratiques sociétales de leurs fournisseurs et sous-traitants (scope 3 amont). N’est-il pas pertinent de s’interroger aussi sur les pratiques sociétales des clients (scope 3 aval) ? Par conséquent, une entreprise responsable peut-elle fournir (directement ou indirectement) des produits ou des services à des acteurs qui s’en serviront pour violer les droits humains et détruire d’environnement ?