Le comptroller de New York utilise son pouvoir d’actionnaire pour faire bouger Starbucks et BlackRock sur la liberté syndicale et le climat

Les États-Unis connaissent un mouvement de syndicalisation en plein renouveau. Starbucks figure parmi les sociétés emblématiques du pays qui font face à cette dynamique. Ainsi, depuis leur première victoire en décembre 2021 à Buffalo dans l’État de New York, les salariés de plus de 230 des quelque 9 000 cafés américains gérés par la marque ont déjà voté pour se syndiquer sous la bannière de Workers United.

Une coalition d’investisseurs a annoncé qu’elle avait déposé, le 16 septembre 2022, une proposition pour exhorter les administrateurs de l’entreprise à faire réaliser par un tiers une évaluation des engagements de l’enseigne quant au droit de négociation collective des travailleurs. Le document cite des infractions à la loi : fermetures de magasins, licenciements de syndicalistes en représailles de leur action syndicale, etc. Pour les auteurs de cette initiative, ce décalage apparent entre les engagements publics de Starbucks et sa conduite représente un risque important pour sa réputation, mais aussi sur les plans juridique et opérationnel. Cela pourrait avoir un impact sur sa valeur à long terme.

La coalition est menée par les fonds de pension de la ville de New York (NYC). Ceux-ci détiennent 1,78 million d’actions de la société, évaluées à 155,06 millions de dollars au 30 juin 2022. Cette demande a été faite en collaboration avec d’autres organisations, parmi lesquelles le gestionnaire d’actifs axé sur la durabilité Trillium Asset Management. Des discussions devraient maintenant s’ouvrir avec le conseil d’administration de la société et pourraient, si elles n’aboutissaient pas, donner lieu au dépôt d’un projet de résolution lors de sa prochaine assemblée générale en 2023.

Brad Lander, le contrôleur des comptes publics (comptroller) de NYC, est très actif sur le front de l’engagement actionnarial. Le 21 septembre 2022, il a envoyé une lettre au P.-D.G. de BlackRock, Larry Fink, pour exprimer sa préoccupation quant au fait que les positions tenues par sa société de gestion ne correspondaient pas à ses engagements climatiques. Il lui demande de mettre en œuvre une action immédiate pour examiner ces contradictions.

Ce courrier fait suite à la réponse de BlackRock à une lettre que lui ont adressée les procureurs généraux de l’Arizona, du Nebraska, du Kentucky et de 16 autres États américains. Elle lui réclamait « des éclaircissements sur des actions qui semblent avoir été motivées par des intérêts autres que la maximisation du rendement financier ». En réponse, BlackRock avait déclaré qu’elle ne dictait pas d’objectifs d’émissions aux entreprises dans lesquelles elle investissait. Elle avait évoqué ses 100 milliards de dollars d’investissements dans des entreprises énergétiques texanes comme preuve qu’elle ne boycottait pas les combustibles fossiles. Ces échanges s’inscrivent dans un conflit qui divise depuis quelque temps les États en faveur de la mise en œuvre de politiques ESG et ceux qui s’y opposent farouchement.

BlackRock est le plus grand gestionnaire d’actifs au monde et le plus important pour trois des fonds de pension de NYC. Il gère environ 43 milliards de dollars de leurs investissements. Les trois systèmes de retraite se sont fixé pour objectif d’atteindre la neutralité carbone de leurs portefeuilles d’ici 2040. Mais la lettre de Brad Lander indique que les engagements climatiques des fonds de pension de NYC ne pourront être respectés qu’avec le soutien de leurs gestionnaires d’actifs, à commencer par BlackRock.

Ainsi, le courrier de Brad Lander demande à BlackRock de : publier un plan précis de mise en œuvre de son engagement à atteindre la neutralité carbone de l’ensemble de son portefeuille ; décrire de manière détaillée son approche pour maintenir les réserves de combustibles fossiles dans le sol et éliminer progressivement les actifs à fortes émissions ; soutenir l’action climatique, etc.