Le 23 février 2022, la Commission européenne a adopté une proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (IE n° 362). Le texte doit encore être présenté au Parlement européen et au Conseil pour approbation. Cependant, une fois la directive transposée aux droits nationaux, il deviendra, en principe, plus difficile pour les acteurs économiques de bénéficier de la « protection » que leur octroient les défaillances des arsenaux judiciaires des États. Les associations spécialisées dans la défense des droits humains ont cependant décelé plusieurs failles dans la proposition.
La Coalition européenne pour la Justice des Entreprises (European Coalition for Corporate Justice – ECCJ) a réuni dans un document publié le 5 avril 2022 l’essentiel de ses observations. Par exemple, elle souligne qu’en réduisant le champ d’application de la loi aux sociétés de plus de cinq cents salariés et réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à cent cinquante millions d’euros, ou aux sociétés de plus de deux cent cinquante salariés et de plus de quarante millions de chiffre d’affaires pour les secteurs à risques, la Commission fait l’impasse sur de nombreuses opérations commerciales dommageables. L’ECCJ considère que la taille des effectifs et le chiffre d’affaires ne sont pas des indicateurs pertinents de l’impact d’une entreprise sur la vie des travailleurs et des communautés.
Le collectif alerte aussi sur le fait que le texte autorise les firmes à répondre à leurs obligations en insérant dans les contrats avec leurs fournisseurs des clauses susceptibles de reporter le dispositif de vérification sur ces derniers ou sur des démarches sectorielles. Il souligne également que la proposition ne supprime pas les obstacles juridiques à l’introduction de poursuites transfrontalières contre les entreprises, ce qui rend ces procédures longues, coûteuses et compliquées. Par ailleurs, selon le document, les sociétés doivent adopter un plan de transition climatique en conformité avec l’objectif de l’accord de Paris. Mais la Commission ne prévoit pas de suite en cas de non-respect de cette obligation, ce qui risque de la rendre inefficace.
De l’autre côté de l’Atlantique, deux députés membres du Nouveau Parti démocratique canadien – le NPD revendique le statut de parti de l’opposition à la Chambre des communes – ont déposé des « projets de loi » d’initiative parlementaire. Ceux-ci ont été présentés en première lecture à la Chambre le 29 mars et visent à renforcer la loi afin de s’assurer que les entreprises canadiennes respectent l’environnement et les droits de la personne à l’étranger.
Le projet de loi C-262, déposé par Peter Julian, veut obliger les entreprises à recenser, prévenir et atténuer les atteintes aux droits de la personne, y compris celles commises par leurs « relations d’affaires ». Il prévoit aussi des mesures de mise en cause de la responsabilité des sociétés dans le cadre de leurs activités internationales.
Le projet C-263, déposé par Heather McPherson, a quant à lui pour objectif d’accorder à l’Ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) le pouvoir et les moyens de contraindre les firmes canadiennes à répondre de leurs actes. Actuellement, l’OCRE examine les plaintes qui portent sur d’éventuelles atteintes aux droits de la personne commises par des sociétés canadiennes en dehors du Canada dans les secteurs du vêtement, des mines, du pétrole et du gaz. Mais le NPD dénonce l’incapacité du gouvernement à lui conférer les pouvoirs nécessaires pour mener à bien sa mission.