Une association dénonce l’inconséquence de l’industrie joaillière qui ferme les yeux sur le financement de la junte birmane

Après quelques années d’une lente évolution vers le début d’un système démocratique, le Myanmar (Birmanie) a brutalement fait l’objet, le 1er février dernier, d’une « reprise en main » par la junte militaire. Après avoir fait la une des médias pendant quelques semaines, la situation est quasiment retombée dans l’oubli. Les observateurs estiment que, depuis le coup d’État, plus de mille deux cents civils ont été tués, des milliers de personnes ont été arbitrairement arrêtées et un grand nombre de prisonniers, torturés. Mais, malgré les risques, les manifestations prodémocratiques se poursuivent. Par ailleurs, de nombreuses voix s’élèvent pour exhorter les acteurs économiques à couper les principales sources de revenus des généraux. Or, le pays dispose de richesses naturelles en abondance (teck, pierres précieuses, pierres fines…) susceptibles d’alimenter les caisses de l’armée.

Le 15 décembre 2021, l’association Global Witness a publié un rapport dans lequel elle met en évidence comment les militaires bénéficient du commerce de pierres précieuses (rubis, saphir). Cela constitue un problème tout aussi important que celui du jade (IE n° 325). Officiellement, les mines de pierres précieuses sont illégales depuis l’expiration du dernier permis minier en 2020. Mais, dans la réalité, l’extraction de ces gemmes a explosé depuis le mois de février 2021. Des dizaines de milliers de mineurs informels ont comblé le vide laissé par la fin de l’exploitation minière officielle et sont rançonnés par l’armée. Ces pierres se retrouvent illégalement sur les marchés de Bangkok, Hong Kong, New York et Londres à travers des montages juridiques opaques.

L’ONG a contacté plus de trente joailliers, maisons de vente aux enchères et négociants internationaux. La plupart n’ont mis en place aucune mesure de diligence raisonnable adéquate pour identifier la source des pierres précieuses qu’ils se procurent. Seules quatre de ces entités ont officiellement déclaré qu’elles avaient cessé de s’approvisionner en pierres précieuses originaires de Birmanie. L’association insiste donc sur l’opacité qui entoure la commercialisation de gemmes dans la région et la forte probabilité pour que les achats de rubis ou de saphir enrichissent la junte birmane.

Elle adresse aussi des recommandations, en particulier à la profession. Elle demande notamment aux joailliers et aux entreprises qui interviennent dans le commerce des pierres précieuses de reconnaître que, dans le contexte actuel, l’approvisionnement responsable en jade et autres pierres précieuses en provenance de Birmanie est impossible, y compris à la suite de leur transformation dans des pays tiers. Elle les exhorte également à déclarer officiellement qu’ils ont cessé de se fournir en Birmanie et à préciser les conditions qu’ils estiment nécessaires pour leur retour.