Le secteur de la mode est sous la surveillance du monde associatif depuis plusieurs décennies. Les questions qui font l’objet de controverses sont nombreuses : conditions de travail dans la sous-traitance, pollution des cours d’eau, exploitation des ressources, bien-être animal, surconsommation et utilisation des matériaux synthétiques, altération de l’image de la femme, émissions de gaz à effet de serre, etc. Le 29 juin 2021, la World Benchmarking Alliance (WBA) a ajouté un nouvel angle d’observation en publiant le premier benchmark comparant les plus grandes entreprises du secteur sur le thème de l’égalité entre les sexes. Pour réaliser son classement de 35 d’entre elles, l’organisation s’est appuyée sur un référentiel constitué de 7 domaines, 34 critères et 106 questions. L’analyse repose à la fois sur des informations publiques et confidentielles. Le score moyen attribué aux 35 sociétés est très décevant (29 points sur 100). Adidas, VF Corp (The North Face, Timberland, Vans…) et Gap sont les trois seules marques à comptabiliser plus de 50 points. Trois sociétés françaises ont été introduites dans le classement : Kering (9e position), LVMH (19e) et Decathlon (24e).
Les analystes constatent l’existence d’écarts notables entre le discours des entreprises et leurs actes. Ainsi, moins d’un tiers des 35 entreprises analysées ont dispensé à leur personnel une formation sur la violence et le harcèlement, tandis que trois marques uniquement ont pris des mesures pour combler les écarts de rémunération entre les sexes. De leur côté, les associations de solidarité soulignent l’inefficacité des démarches volontaires engagées par les firmes. L’industrie du vêtement, qui emploie plus de 60 millions de personnes dans le monde – principalement des femmes –, fait régulièrement l’objet d’alertes pour des faits d’exploitation dans le travail et pour harcèlement sexuel. La pression exercée par les marques sur les fournisseurs pour qu’ils livrent des articles rapidement et à moindre coût alimente cette exploitation. Cette tendance, remarquée depuis de très nombreuses années, a été exacerbée par la crise sanitaire.
L’observation peut aussi porter sur la problématique de l’écoblanchiment. Ainsi, le 30 juin 2021, la fondation de droit néerlandais Changing Markets a publié une étude dans laquelle elle a passé en revue les sites Internet de 12 des plus grandes sociétés de mode européennes intervenant sur le marché britannique, parmi lesquelles les françaises LVMH et Gucci. Les résultats montrent que les messages se rapportant à 39 % des 4 028 articles examinés comportaient des assertions liées au développement durable telles que « recyclé », « écologique », « à faible impact » ou « durable ». Le rapport a donc vérifié si ces affirmations étaient conformes au nouveau projet de lignes directrices de l’autorité de la concurrence britannique (Competition and Markets Authority – CMA) visant à éviter l’écoblanchiment. Les conclusions sont inquiétantes : 59 % des références environnementales identifiées peuvent être qualifiées de « non fondées » et « trompeuses ». En bas de classement, on trouve H&M, Asos et Marks & Spencer, dont respectivement 96 %, 89 % et 88 % des allégations contreviennent aux futures lignes directrices. Les groupes Zara et Gucci montrent la plus faible part d’écarts entre le message et la réalité.