À son tour, l’Allemagne adopte une loi sur le devoir de vigilance

Le 11 juin 2021, le Parlement allemand (Bundestag) a adopté grâce à une large majorité (412 voix pour, 159 contre et 59 abstentions) une loi sur le devoir de vigilance des entreprises. Malgré plusieurs déceptions, cette loi, annoncée début 2019 (IE n° 295), est considérée comme un premier pas par des organisations de la société civile. La nouvelle législation couvre la protection des droits humains et les préoccupations environnementales (lorsqu’elles conduisent à des violations des droits humains ou mettent en danger la santé humaine).

L’Office fédéral de l’économie et du contrôle des exportations (BAFA) surveillera le respect de la réglementation. Ces exigences s’imposeront, à partir du 1er janvier 2023, aux entreprises allemandes et aux filiales des groupes étrangers installés en Allemagne de plus de 3 000 salariés (cela concerne quelque 900 sociétés), et à partir du 1er janvier 2024 aux entreprises dont les effectifs sont supérieurs à 1 000 personnes (environ 4 800 firmes). La taille des sociétés visées par la loi pourra être réduite par la suite. Le calcul des effectifs prend en compte ceux des filiales implantées en Allemagne et à l’étranger.

Les entreprises devront : adopter une déclaration sur leur stratégie en matière de droits humains ; évaluer régulièrement les risques ; mettre en place un système de gestion de ces risques (préventif et correctif) ; instaurer un dispositif de recueil des signalements ; exercer une vigilance vis-à-vis des fournisseurs directs ; et réaliser un reporting transparent. En cas de violation identifiée, la nature des actions à engager est graduée selon la position dans la chaîne d’approvisionnement de l’entité à l’origine des faits (filiale, fournisseurs directs, fournisseurs indirects). Au sein de leur périmètre de consolidation, les entreprises devront prendre des mesures correctives immédiates. Ces mesures devront nécessairement conduire à la cessation du préjudice. Si la violation a lieu chez un fournisseur direct, les firmes devront établir un plan de minimisation et d’évitement si elles ne peuvent mettre fin à la violation dans un avenir défini. Dans le cas des fournisseurs indirects, les entreprises n’auront qu’une obligation de diligence ponctuelle. Elles ne seront forcées de prendre des mesures que si elles ont connaissance d’une éventuelle violation.

Le BAFA pourra imposer des amendes en cas d’infractions, même si elles sont mineures. Ces amendes pourront aller jusqu’à 800 000 euros lorsque l’entreprise n’aura pas pris à temps les mesures préventives et correctives nécessaires. Si l’analyse de risque est incomplète, la pénalité s’élèvera à 500 000 euros. Dans certains cas, les amendes pourront atteindre 2 % du chiffre d’affaires annuel moyen pour les firmes dont ce chiffre d’affaires est supérieur à 400 millions d’euros.

De nombreuses organisations de développement regrettent que le projet de loi initial ait été édulcoré par l’action des lobbyistes patronaux. Du reste, plusieurs d’entre elles ont publié, le 21 juin, un rapport dans lequel elles dénoncent ce travail de sape. Elles déplorent que la loi n’offre pas de réelles possibilités de poursuites en responsabilité civile aux personnes affectées par des infractions. Elles critiquent également le fait que les mesures de vigilance ne s’appliquent qu’aux entreprises d’une certaine taille, qu’elles soient graduées en fonction de la position des entités dans la chaîne d’approvisionnement et qu’elles « épargnent » ainsi largement les fournisseurs indirects.