Le 26 mai 2021, le tribunal de district de La Haye a ordonné à Royal Dutch Shell (RDS) de réduire ses émissions nettes de CO2 (en y intégrant le scope 3) de 45 % en 2030 par rapport aux niveaux de 2019. Cette information a été largement relayée par la presse internationale. Shell envisage de faire appel de la décision. L’action a été engagée en avril 2019 par sept ONG au nom de plus de 17 000 citoyens néerlandais. Les demandeurs affirmaient qu’en continuant d’investir des sommes considérables dans la production de combustibles fossiles, Shell menaçait les droits humains.
Auparavant, Shell avait défini une nouvelle stratégie climatique avec pour objectif de réduire l’intensité carbone nette de ses produits d’au moins 6 % d’ici 2023, de 20 % d’ici 2030, de 45 % d’ici 2035 et de 100 % d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 2016, mais avec un montant d’investissement dans les énergies fossiles et dans la chimie supérieur à celui que le groupe orientera vers les énergies renouvelables. Les ONG ont largement exprimé leur scepticisme, de même qu’une bonne partie de la communauté financière. Lors de la dernière assemblée générale de Shell, les investisseurs ont d’ailleurs soutenu, à hauteur de 30,47 % des suffrages, un projet de résolution sur la stratégie de transition du groupe déposé par des actionnaires (IE n° 346). En quelque sorte, le tribunal rejoint le clan des sceptiques en affirmant que la politique climatique de Shell n’est pas concrète, pleine d’incertitudes et qu’elle ne fait pas assez.
Si elle est susceptible d’appel, cette décision est considérée comme historique par la communauté des acteurs engagés et pourrait déclencher d’autres poursuites judiciaires à l’encontre des sociétés énergétiques. Le tribunal reconnaît que l’entreprise ne peut résoudre à elle seule le problème mondial du changement climatique. Mais il ajoute que « cela ne la dégage pas de sa responsabilité partielle et individuelle de prendre sa part concernant les émissions qu’elle peut contrôler et influencer ». C’est aussi la première fois qu’un tribunal impose un objectif de réduction de GES.
Cette décision s’inscrit dans une forte tendance à la hausse des actions juridiques sur la question climatique. Ainsi, le nombre d’affaires portées devant les tribunaux a presque doublé au cours des trois dernières années, passant de 884 cas en 2017 à plus de 1 550 en 2020 dans 38 pays, selon un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUE) publié en début d’année. D’après les experts qui suivent la question, les nouvelles techniques juridiques et les victoires créent des précédents et alimentent la tendance. D’autres soulignent que les juges sont davantage proactifs. L’ONU prévoit que l’augmentation des litiges climatiques se poursuive et intègre progressivement la cause des personnes déplacées. L’organisation note aussi que les actions sont initiées par des groupes de plus en plus diversifiés, en particulier les personnes âgées, les jeunes et les populations autochtones. Associée à cette tendance, l’affaire Shell pourrait ainsi commencer à sérieusement inquiéter les investisseurs envers le secteur pétro-gazier.