Assemblées générales 2016

Le CFIE assiste et analyse les assemblées générales d’un panel de grandes entreprises françaises depuis 1996, ce qui lui permet d’avoir un certain recul et d’apprécier l’évolution des assemblées en France. Une évolution pas très rapide mais certaine. Les réunions d’actionnaires sont, en effet, de plus en plus vivantes et plus longues en moyenne. Le moment consacré à la gouvernance est plus important. Les questions sociales et environnementales commencent à trouver leur place dans les présentations. Le temps d’échange avec les actionnaires est également plus long et ces derniers s’intéressent progressivement aux questions de RSE, même si celles-ci émanent encore, le plus souvent, d’organisations spécialisées sur ces sujets. En France, la saison des assemblées commence réellement à la mi-avril (si on exclut les sociétés dont l’exercice ne coïncide pas avec l’année civile). Le CFIE va envoyer à son réseau de contacts, un bref compte-rendu de quelques-unes des assemblées auxquelles il assiste.

Pour le CFIE, la saison des assemblées s’est ouverte, le 14 avril, avec celle de LVMH. A dire vrai, les assemblées de LVMH apportent rarement de grandes surprises. 2016 n’a pas échappé à la règle. Les présentations ont duré une heure et ont pointé avec sobriété les bons résultats et les diverses réalisations « formidables » de l’année. Elles ont consacré cinq minutes à la mixité sociale interne et à l’environnement (matières premières et carbone). Sur ce dernier sujet, la lecture consciencieuse d’un document par le président a donné l’impression que celui-ci maîtrisait moins bien cette matière que les aspects plus classiques des affaires sur lesquels il s’est davantage permis d’improviser. Seulement 30 minutes ont été consacrées aux échanges avec la salle. La réponse la plus fournie a été apportée à une question d’un jeune actionnaire demandant l’avis du président sur le film « Merci patron ». Bernard Arnault a adopté un ton plutôt ironique et a donné à sa réponse une coloration politique en s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles son entreprise faisait depuis de nombreuses années « l’objet de critiques de la part de groupes d’extrême gauche ». On relève également une question d’une société de gestion (fait encore assez rare dans les assemblées), en l’occurrence Edmond de Rothschild, sur les conventions réglementées et les honoraires de conseil.

L’assemblée de Vivendi du 21 avril a duré 3h00 (deux heures pour la présentation, 50 minutes pour les échanges, 10 minutes pour les votes). Relevons deux initiatives intéressantes pour commencer, et qui pourraient être généralisées dans les assemblées des autres sociétés : l’incrustation, en médaillon sur l’écran, d’une personne traduisant en langage des signes les propos tenus par les intervenants, et une mention par le commissaire aux comptes des travaux qu’il a menés au titre de sa mission portant sur les informations sociétales, sociales et environnementales contenues dans le rapport de gestion. Les questions relatives à la RSE ont été abordées à deux reprises (une dizaine de minutes en tout). Par le secrétaire général du groupe qui a consacré environ quatre minutes aux principaux sujets spécifiques à l’activité du groupe, et par Cathia Lawson-Hall, membre du conseil de surveillance et présidente du comité d’audit, qui a notamment décrit les travaux menés par le comité d’audit sur le thème de la RSE. Une douzaine d’interventions ont animé les débats (dont deux questions écrites). Les trois premières questions pouvaient donner l’impression d’un débat bien rôdé, voire bien préparé (questions et réponses courtes, classiques, précises). Elles ont été suivies par deux interventions qui ont permis au président de décrire la situation du groupe Canal+ et de donner sa vision sur son avenir. Sujet qui, au final, a monopolisé 30 % du temps consacré aux débats. Trois questions de nature ESG ont, toutefois, été posées (dont les deux questions écrites), à savoir la place des femmes dans le groupe, l’indépendance éditoriale des médias appartenant au groupe, la représentation des clients dans le conseil d’administration.

L’assemblée d’AccorHotels du 22 avril a été caractérisée par une ambiance détendue malgré un démarrage avec retard. Détente renforcée par un lapsus du secrétaire de séance lorsque à la suite de la phase de formalités, celui-ci a indiqué que l’assemblée pouvait « valablement délirer ». Celle-ci n’est toutefois pas allée jusque là. Une très large part des présentations a été consacrée à des questions se rattachant à la RSE (plus d’une demi-heure sur les deux heures de présentation). Tout d’abord, la directrice Talent et Culture (nouvelle appellation des ressources humaines) a présenté les enjeux de sa fonction. Suivie par une intervention de l’un des membres du shadow comex [il s’agit d’un « reflet » du comité exécutif composé de jeunes cadres pour une durée d’un an et qui bénéficie des mêmes informations que le comité exécutif, ndlr]. Enfin, Sébastien Bazin a repris la parole pour développer le volet environnemental du groupe : Planet 21. Bref, des présentations vivantes et sérieuses sur les dimensions E, S et G qui laissent penser que le groupe entend intégrer au cœur de son management au moins une partie de ces questions, même si les allocutions sont restées un peu trop au niveau des principes, selon nous. Le contenu des débats a été assez varié avec, toutefois, une prédominance accordée à l’inquiétude résultant de la montée de la participation du chinois Jin Jiang dans le capital d’AccorHotels (14,98 %). Inquiétude relayée par le syndicat FO qui a également parlé de « contexte anxiogène ». Une question écrite a d’ailleurs porté sur la question des ressources humaines, en l’occurrence sur le coût lié à l’important nombre de départs volontaires au sein du groupe (38 750 en 2015). On peut regretter que le président de séance n’ait pas mentionné son contenu et qu’il ait juste indiqué qu’une réponse avait été mise sur le site Internet du groupe. Celle-ci précise que le coût est estimé à 2,5 % de la masse salariale [soit un montant annuel compris entre 190 et 200 millions d’euros selon notre estimation].