À un moment où de nombreux législateurs sont tentés de simplifier les règles de contrôle, au point de proposer l’auto-certification comme une option, des voix s’élèvent pour rappeler que la crédibilité d’un dispositif dépend du sérieux de ses contrôles. À tout le moins, ceux-ci doivent être réalisés par un tiers indépendant. Ces considérations valent pour les crédits carbone, dont le marché traverse de fortes turbulences à la suite de nombreux scandales. Mais est-il possible de s’assurer de l’indépendance d’un tiers ? Une récente étude introduit un sérieux doute à ce sujet.
Dans un article scientifique publié sur le Social Science Research Network, deux universitaires affirment que les auditeurs « indépendants » surévaluent les crédits des projets carbone. Leur étude a examiné 95 projets enregistrés auprès de Verra (le leader mondial de la certification des crédits carbone) dont le volume de carbone absorbé avait, postérieurement à leur référencement, été signalé comme surestimé. Les chercheurs ont constaté que les deux tiers des auditeurs qui sont intervenus n’ont pas identifié les failles. Le 22 août 2025, Verra a défendu la qualité de ses travaux en disant qu’elle avait déjà suspendu quatre organismes de vérification impliqués dans des projets rizicoles et dont les performances étaient insuffisantes. L’entreprise a également souligné la mise en œuvre, en 2024, de nouvelles mesures pour prévenir les problèmes à l’avenir.
Mais, selon les auteurs de l’étude, il existe intrinsèquement des conflits d’intérêts dans le processus de vérification qui s’observent à plusieurs niveaux. En effet, rémunérés par les promoteurs des projets, les auditeurs peuvent, même inconsciemment, interpréter les preuves en faveur de leurs clients. Par ailleurs, les organismes qui tiennent des registres, comme Verra, perçoivent des honoraires en fonction du nombre de crédits carbone enregistrés par les projets. L’ensemble du système est structuré pour maximiser le nombre de crédits. De plus, les projets de crédits carbone sont complexes et requièrent de nombreuses appréciations qualitatives de la part des auditeurs pour déterminer le nombre total de crédits attribués.
Certains observateurs proposent de corriger les biais observés lors des audits en créant un pool de vérificateurs indépendants, sélectionnés de manière aléatoire pour intervenir sur les projets, et de les rémunérer grâce à un fonds mondial plutôt que directement par les promoteurs de projets. En 2013, dans l’État du Gujarat en Inde, des chercheurs avaient conduit une étude sur l’impact des modes de nomination et de rémunération des auditeurs environnementaux selon qu’ils soient choisis et payés par les entreprises auditées, ou affectés arbitrairement et rétribués par un pot commun. L’expérience avait montré sans équivoque que les auditeurs choisis et payés par les sociétés étaient plus indulgents que ceux de l’autre groupe.