La transition énergétique peut-elle être financée sans maximiser les revenus pétroliers et gaziers ?

Le 24 août 2023, l’organisation InfluenceMap a publié un rapport qui met en évidence les activités de lobbying de 15 grands groupes européens liés à des activités pétrolières et gazières. Le document décrit trois types de plaidoyers : la promotion de l’exploration gazière et des infrastructures de GNL en Afrique ; un plaidoyer pour l’importation et le transport de GNL en Europe ; et l’affaiblissement des politiques visant à réduire la demande de gaz dans l’Union européenne. Parallèlement, on assiste à la montée en puissance d’un nouvel argumentaire de la part des compagnies pétrolières et de certains pays producteurs.

Le 25 juillet, Puot Kang Chol, le ministre sud-soudanais du Pétrole, s’est exprimé au sujet de la stratégie du Soudan du Sud. Il a expliqué que la transition énergétique du pays ne pourrait pas être déployée sans les revenus provenant de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières disponibles dans le pays. Pour lui, ces ressources sont, par ailleurs, la seule possibilité pour le Soudan du Sud de permettre à sa population d’avoir accès à l’électricité.

De son côté, le 26 août, lors d’une conférence en Inde, le P.-D.G. de BP, Bernard Looney, a estimé qu’il n’était pas possible de garantir la progression constante de la transition énergétique sans conserver les investissements dans la production de pétrole et de gaz. Quelques jours plus tôt, il avait déclaré que sa compagnie s’engageait à augmenter ses dividendes et à racheter pour 1,5 milliard de dollars d’actions. Ce montant s’ajoutait aux 4 milliards de rachat déjà promis. Cette stratégie rejoint celle communiquée par les autres grandes compagnies pétrogazières et s’inscrit dans une volonté de maintenir le flux de liquidités vers leurs actionnaires dans une période de baisse des prix des hydrocarbures. Les rachats d’actions annoncés par les autres majors sont : Shell (entre 5 et 5,5 milliards de dollars au deuxième trimestre 2023), TotalEnergies (2 milliards de dollars par trimestre en 2023), Chevron (17,5 milliards de dollars par an) et ExxonMobil (35 milliards de dollars d’ici fin 2024).

Dès lors, plusieurs questions se posent : l’urgence climatique ne nécessite-t-elle pas de réexaminer les stratégies financières ? Les revenus du pétrole et du gaz seront-ils vraiment investis dans les énergies renouvelables ? Et, accessoirement, ces revenus profiteront-ils (enfin) au développement des populations ?