Nous abordons souvent la question des peuples autochtones dans cette lettre d’information. Et pour cause. Leur contribution au développement de tous est déterminante, et pourtant très mal connue et peu reconnue. Ils font même l’objet de nombreux harcèlements et d’abus de toutes sortes. Le 7 juin 2023, la revue scientifique Science Advances a publié une analyse des données collectées par 19 chercheurs sur le site de l’Atlas mondial de la justice environnementale (EJAtlas). Sur les 3 081 conflits socio-environnementaux examinés par les chercheurs, 1 044 impliquent des peuples autochtones.
Certains conflits conduisent clairement à des violations d’articles précis de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). Plus de trois quarts d’entre eux résultent de l’exploitation minière, des combustibles fossiles, de projets de barrages et du secteur de l’agriculture, de la foresterie, de la pêche et de l’élevage. La détérioration des paysages (des milieux) est en tête des préjudices le plus fréquemment signalés (56 % des cas). Vient ensuite la perte de moyens de subsistance (52 %), puis la dépossession des terres (50 %). Cette étude montre que les agressions dont sont victimes les populations indigènes ne sont pas un ensemble de cas isolés, mais des caractéristiques systémiques du fonctionnement de l’économie mondiale dont les racines ne sont pas récentes. L’analyse a identifié 740 groupes autochtones concernés par ces faits, mais pour les auteurs, ce nombre est sans aucun doute plus élevé.
Ces communautés font désormais l’objet de pressions de la part des États et du secteur de l’énergie pour répondre au changement climatique. L’exploitation d’une trentaine de métaux et de minéraux est nécessaire. Plus de la moitié des projets d’exploitation de ces métaux et minéraux « de transition » se situent sur des terres autochtones ou à proximité d’elles. Dans son rapport Transition Mineral Tracker: 2022 Analysis, paru également en juin 2023, le Business & Human Rights Resource Center a relevé 510 allégations d’abus associés à l’exploitation minière des minéraux de transition entre 2010 et 2022, dont 65 rien qu’en 2022.
Cela étant, on trouve aussi de bonnes nouvelles sur la question de la terre et des peuples autochtones. Ainsi, un rapport publié le 15 juin 2023 par le Rights and Resources Initiative (RRI) montre que la superficie des terres détenues ou dont les droits ont été attribués à des communautés autochtones, locales ou d’ascendance africaine a augmenté de 102,9 millions d’hectares entre 2015 et 2020, soit près de deux fois la superficie de la France. L’enquête porte sur 73 pays équivalant à 85 % de la superficie terrestre. Pour eux, les terres détenues ou attribuées représentent 20,6 millions de kilomètres carrés, soit 18,5 % de leur superficie totale.
Cette évolution est importante dans la mesure où des études démontrent que, très souvent, les communautés disposant d’un titre légal pour leurs terres freinent significativement la dégradation des forêts. Cette observation comporte cependant des exceptions, en particulier lorsque les groupes sont exposés à la pauvreté ou à des pressions externes. En pourcentage des terres affectées à ces populations, les pays qui présentent la plus forte progression sont le Kenya, le Liberia, le Panama, le Kirghizistan et les Philippines. Espérons que cette évolution passée se poursuive dans l’avenir, malgré les pressions résultant d’un contexte international incertain et des nouvelles contraintes écologiques. Le texte constate que dans 49 pays, il reste au moins 1,3 milliard d’hectares de terres ancestrales qui ne sont toujours pas reconnus par des législations ou des réglementations nationales.