Depuis quelques années, la communauté internationale est interpellée par les associations écologistes sur les risques liés à l’exploitation des grands fonds marins, en particulier de ceux situés dans les eaux internationales. Ces espaces sont peu connus, la biodiversité y est très fragile, et ils jouent un rôle déterminant sur le climat.
À partir de 2021, plusieurs grandes entreprises se sont engagées à exclure de leurs chaînes d’approvisionnement les minéraux issus des eaux profondes et à ne pas financer les activités minières des grands fonds marins tant que les alternatives (réduction de la demande de métaux primaires, transition vers une économie des matériaux en boucle fermée et économe en ressources, développement de pratiques minières terrestres responsables) ne sont pas suffisamment approfondies. Par ailleurs, 32 pays (dont la France, le Royaume-Uni et le Canada) ont appelé à un moratoire de l’exploitation minière des fonds marins.
L’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) est en charge de l’organisation et du contrôle des activités relatives aux ressources minérales des fonds marins dans la zone internationale. Lors du congrès de l’AIFM qui s’est achevé le 2 août 2024, l’assemblée a élu l’océanographe brésilienne Leticia Carvalho au poste de secrétaire générale. Contrairement à son prédécesseur, elle a appelé à une approche plus délibérative de la gouvernance et préconisé de prendre son temps pour les négociations sur la rédaction d’un code d’exploitation des minerais en eaux profondes.
Le plancher océanique regorge de richesses minérales indispensables à la transition écologique (manganèse, nickel, cuivre, cobalt…) et suscite d’énormes convoitises, comme celles de la société canadienne The Metal Company (TMC). La guerre en Ukraine ainsi que la rivalité grandissante entre la Chine et les États-Unis rendent leur contrôle encore plus nécessaire. L’AIFM attribue des permis d’exploration test au compte-gouttes. Toutefois, les États-Unis ne sont pas l’un de ses membres.
Or, la possible pénurie de minerais stratégiques sert de boussole à Donald Trump. Ce dernier a signé un nouveau décret le 24 avril 2025, qui ordonne au ministère du Commerce de poursuivre l’exploration et l’exploitation des ressources des grands fonds marins dans la zone économique exclusive (ZEE) des États-Unis mais aussi dans celles situées au-delà de la juridiction nationale. Il exige aussi que la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) accélère le processus d’examen et de délivrance des permis d’exploration et d’exploitation commerciale en eaux profondes dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale pour les entreprises américaines. Un peu plus tôt, le 27 mars, la TMC, qui dispose d’une filiale aux États-Unis, avait annoncé avoir déposé une demande de permis d’exploitation de minerais dans l’océan Pacifique s’appuyant sur le Code minier américain de 1980.
En contournant les prérogatives de l’AIFM, cette ordonnance ouvre la boîte de Pandore en matière de sécurité maritime. D’autres pays pourraient être encouragés à poursuivre leurs propres ambitions d’exploitation minière en eaux profondes. La Chine semble pour le moment adhérer à la position défendue par l’institution onusienne de commencer par rédiger un code d’exploitation des minerais en eaux profondes sérieux. Mais cela pourrait ne pas durer au fur et à mesure que les technologies évoluent. Et si la Chine venait à envoyer des navires et des véhicules télécommandés non loin des ZEE des États-Unis sous couvert d’activités d’exploitation minière en eaux profondes, il pourrait être difficile de déterminer si ses activités sont purement commerciales. Cela pourrait encore attiser les tensions internationales.