La justice milanaise poursuit sa lutte contre l’exploitation des travailleurs dans le secteur du luxe. La maison Dior est concernée

Selon le cabinet de conseil Bain, l’Italie représenterait plus de la moitié de la production mondiale de produits de luxe des secteurs de la mode et de la maroquinerie. Cette production s’appuie sur des milliers de petits fabricants qui approvisionnent les grandes marques et leur permettent d’afficher la mention « Made in Italy » sur leurs produits. Depuis une dizaine d’années, la justice milanaise enquête sur des sociétés qui auraient illégalement embauché des personnes pour réduire leurs coûts de production. À l’origine, les enquêtes ont ciblé des secteurs tels que la logistique, les transports et les services de nettoyage, où les travailleurs étaient fournis par des entreprises éphémères. L’attention s’est ensuite portée sur le secteur de la mode.

En avril dernier, la presse italienne a dévoilé que la justice milanaise avait placé sous tutelle une filiale de Giorgio Armani (Giorgio Armani Operations spa). Les enquêteurs italiens avaient en effet découvert que cette filiale confiait l’intégralité de sa production à un fournisseur (Manifatture Lombarde Srl), qui lui-même sous-traitait à des ateliers qui employaient des personnes d’origine chinoise ou pakistanaise en situation irrégulière et dans des conditions proches de l’esclavage.

Cette fois, c’est la maison Dior (groupe LVMH) qui est dans le collimateur des autorités milanaises. Le 10 juin 2024, un tribunal a nommé un administrateur judiciaire pour diriger Manufactures Dior Srl, qui a pour actionnaire unique Christian Dior Italia Srl. Selon des sources proches du dossier, la maison de couture aurait confié la production d’une partie de sa collection 2024 de sacs et d’accessoires à des sociétés tierces sur la base de relations commerciales « plus ou moins formelles ». Mais les enquêtes menées entre mars et avril par les carabiniers chez quatre fournisseurs (Pelletteria Elisabetta Yang Srl, New Leather Italy srl, AZ Operations Srl et Davide Albertario Milano Srl) ont démontré que ces derniers recouraient à une main-d’œuvre irrégulière et clandestine (Chinois, Philippins, etc.), et ce, dans des conditions déplorables : absence de contrats, horaires de travail excessifs, travail de nuit, systèmes de sécurité neutralisés, conditions d’hygiène et de santé affligeantes, dortoirs sur place, etc.).

Le tribunal a aussi indiqué que Manufactures Dior Srl n’a pas vérifié les réelles capacités techniques des sous-traitants auxquels elle a confié la production. Elle n’a pas non plus réalisé d’inspections ou d’audits efficaces pour contrôler concrètement les environnements et conditions réelles de travail, ou s’est contentée de simples déclarations.

Le tribunal a donc ordonné que Manufactures Dior Srl soit mise sous contrôle judiciaire pendant un an, le temps que l’administrateur mette de l’ordre dans sa chaîne d’approvisionnement. Il ne s’agit pas d’une procédure pénale, mais de mesures de prévention qui s’appuient sur l’article 34 du décret 159/2011. Cette procédure ne vise pas à punir un entrepreneur, qui n’est pas membre d’une association de malfaiteurs. En plaçant la société sous tutelle judiciaire, la justice cherche à éviter à une entreprise saine d’être contaminée, à la débarrasser de ces « éléments polluants » et à la remettre sur le marché. Les procureurs de Milan et la police italienne enquêtent sur d’autres petits fabricants qui fournissent une douzaine d’autres marques.