Le 19 janvier 2023, l’organisation syndicale UNI Global Union a publié les résultats d’une enquête réalisée auprès de 2 000 employés travaillant dans les entrepôts et les bureaux d’Amazon, ou comme chauffeurs dans 8 pays (États-Unis, Royaume-Uni, Italie, France, Allemagne, Pologne, Espagne et Australie). Plus de la moitié des personnes interrogées (51 %) ont déclaré que le contrôle de leur productivité et de leurs objectifs jugés irréalistes avait un impact négatif sur leur santé physique. De plus, 57 % ont indiqué que cette surveillance avait des conséquences néfastes sur leur santé mentale.
Les témoignages relatés dans le rapport sont édifiants, et la description des technologies utilisées pour surveiller les employés, éloquente. Dans les centres logistiques, les salariés sont surveillés grâce des scanners manuels et des badges d’identité. Les temps de pause sont calculés, à la seconde près, entre le dernier article scanné et le premier article qui suit la pause, et ce, quel que soit l’endroit où se trouve l’employé dans l’entrepôt. Les chauffeurs-livreurs, quant à eux, sont suivis grâce à des GPS et filmés en permanence par des caméras placées dans leurs véhicules.
Amazon conteste la méthodologie utilisée par l’enquête et oppose les résultats de ses propres investigations internes. Il est vrai que la constitution de l’échantillon n’est pas aléatoire. Mais Jarrow Insights, l’organisme en charge de la réalisation de l’étude, a précisé qu’il a intentionnellement choisi une taille d’échantillon plus large que nécessaire d’un point de vue statistique pour atténuer les éventuels problèmes qui découlent de la construction de l’échantillon.
Il ne s’agit pas du premier rapport qui témoigne des exécrables conditions de travail dans les entrepôts d’Amazon. Début 2020, le syndicat britannique GMB a fait état d’une augmentation alarmante des accidents du travail dans les entrepôts du groupe situés au Royaume-Uni.
Le 1er juin 2021, le Strategic Organizing Center (SOC) a publié une étude dans laquelle il analysait l’accidentologie dans les centres logistiques étatsuniens de cette entreprise. Il a calculé qu’en 2020, le taux global d’accidents du travail y était de 6,5 cas pour 100 salariés, contre 4 pour l’ensemble des entrepôts n’appartenant pas à Amazon.
Le 22 septembre 2021, le gouverneur de Californie a signé une loi (AB-701) pour interdire aux propriétaires d’entrepôts comme Amazon d’instaurer des quotas qui empêchent leurs salariés de prendre les pauses autorisées par la législation ou d’utiliser les toilettes (pratique jusqu’alors largement utilisée).
Lors de l’assemblée générale d’Amazon, le 26 mai 2022, les actionnaires ont approuvé à 44 % un projet de résolution réclamant à la société de commander un audit indépendant sur les conditions de travail et le traitement auxquels sont confrontés les employés de ses entrepôts.
Tout récemment, le 18 janvier 2023, le département américain du Travail a infligé une amende de 60 000 dollars à l’entreprise pour son incapacité à assurer la sécurité des travailleurs dans trois entrepôts étatsuniens, entre autres. Une telle accumulation de faits ne peut pas être le fruit du hasard.